Le lierre, souvent décapité à grand coup de serpe sitôt qu’il grimpe sur un arbre, il est aussi aimé par ceux qui connaissent ces nombreuses vertus. Voilà bien une plante qui prête à discussion et qui mérite que nous nous attardions sur sa réputation. La légende veut qu’on le traite comme un parasite, alors découvrons ensemble la réalité sur cette plante essentielle pour la biodiversité forestière.
Si vous vous baladez en forêts françaises, vous ne trouverez qu’une seule espèce de lierre : le Lierre commun ou Lierre grimpant (Hedera helix L). Dans le grand règne des végétaux, le lierre fait partie des lianes. Il peut atteindre jusqu’à 40 m de long, mais est incapable de tenir debout sans support sur lequel grimper !
Le lierre possède un système racinaire souvent très développé. Contrairement à la légende, il ne fait des racines qu’au contact du sol.
Pour grimper sur arbres, murs ou poteaux, le lierre utilise des ventouses inoffensives mais puissantes. Ces ventouses apparaissent sur la face ombragée de la tige. Elles se collent au support pour permettre à la plante de progresser. Elles n’absorbent rien et ne servent qu’à l’accroche.
Beaucoup de gens pensent que le lierre est un parasite. Ils croient qu’il nuit aux arbres. Souvent, ils coupent le lierre pour “protéger” les arbres. Pourtant, ses crampons ne font que s’accrocher au tronc. Ils n’empêchent pas l’arbre de se développer correctement.
Le lierre grimpe pour capter la lumière. Cette lumière lui permet de produire ses fleurs. S’accrocher aux arbres l’aide à se reproduire. Le lierre prend son temps pour fleurir. Il commence seulement après dix ans. Ses fleurs apparaissent fin août. Les baies se forment en automne et mûrissent en hiver. D’abord vertes, elles deviennent brunes, puis noires. Les oiseaux se régalent de ces baies lors des périodes de disette.
Pendant des décennies, le lierre a été poursuivi et coupé à sa base, une chasse aux sorcières avec comme principal reproche celui de nuire à la croissance des arbres en les étouffant ! Et pourtant, la vérité est tout autre.
Depuis quelques années, nombreux sont les acteurs sylvicoles et les personnes sensibles à l’environnement qui se battent pour lui redonner ses lettres de noblesse et mieux le préserver.
Le lierre abrite une faune si riche qu’il devient l’un des éléments essentiels de la biodiversité forestière. En offrant refuge et conditions de reproduction à de nombreux insectivores, il joue un rôle clé dans la régulation des parasites, notamment les insectes qui peuvent affecter la forêt.
Le lierre est également une plante mellifère reconnue, un véritable régal pour nos abeilles si précieuses. Ses fleurs apparaissent de fin août à fin octobre selon les régions, ce qui en fait l’une des plantes les plus tardives sous nos latitudes. Très apprécié des pollinisateurs, il attire une faune 1,7 fois plus diversifiée que les autres plantes et nourrit jusqu’à 235 espèces différentes d’insectes butineurs.
Après sa floraison automnale, le lierre fournit en hiver des fruits qui nourrissent de nombreux oiseaux. Cependant, ces baies légèrement toxiques accélèrent leur transit intestinal pour empêcher la digestion des graines. Les oiseaux les dispersent ainsi dans leurs excréments. Les biologistes appellent ce mode de dissémination l’endozoochorie, c’est-à-dire la dispersion des graines par des animaux. Les passereaux contribuent alors largement à répandre le lierre dans l’écosystème forestier puisque les graines traversent leur tube digestif. Le Pigeon ramier fait exception : il consomme lui aussi les baies de lierre, mais son gésier lui permet de les digérer entièrement.
Dans l’écosystème forestier, le lierre joue plusieurs rôles essentiels. Il régule notamment la température. En couvrant l’humus, il maintient le sol frais. Ce maintien de fraîcheur préserve l’eau dans le sous-sol forestier. Cette fonction devient cruciale avec le réchauffement climatique. Lors des canicules, le sol garde mieux son humidité grâce au lierre.
Le lierre régule aussi la température de l’arbre. Sa couverture foliaire crée une fine isolation sur le tronc. Cette isolation protège surtout durant l’hiver.
Ce rôle d’isolant intéresse fortement le secteur du bâtiment. Des études récentes analysent les murs végétalisés comme isolants thermiques. Les chercheurs étudient donc le lierre pour sa capacité à coloniser les façades. Sur un mur en briques, ils comparent zones couvertes et non couvertes. En hiver, la façade couverte reste 0,5°C plus chaude. La nuit, les zones couvertes conservent 1,4°C de plus. En journée, elles restent 1,7°C plus fraîches.
Au-delà de maintenir la fraîcheur des sols, le Lierre joue aussi un grand rôle nutritionnel. Les feuilles du lierre se renouvellent environ tous les trois ans durant la période printanière où elles tombent au sol. Or, à cette période, il n’y a pas grand monde qui perd ses feuilles parmi les arbres. Il y a donc peu d’apport par la décomposition des éléments nutritifs au sol et donc aux arbres. Le printemps est pourtant un moment clef où l’arbre commence un nouveau cycle et où ses besoins nutritifs sont importants.
Le lierre favorise ainsi la croissance des arbres en termes d’apport nutritif à un moment clef de la croissance saisonnière de la végétation forestière. Il semblerait également, et ce n’est pas là chose anodine en milieu urbain, que les feuilles de lierre soient plus chargées en plomb et en cadmium que ne l’est le reste de la plante. Tout comme les renouées du Japon (Reynoutria japonica) absorbent les métaux lourds, le lierre aurait donc aussi cette propriété intéressante. S’il est utilisé avec cet objectif absorptif, il faut ramasser les feuilles au moment de leur chute et les ramener en déchetterie afin d’éviter que les métaux lourds ne retournent à la terre.
Pour le sylviculteur, le lierre devient un véritable allié lors du marquage des bois en période hivernale. Il l’aide à évaluer l’état sanitaire d’un arbre. Le lierre reste toujours à l’intérieur du houppier et ne bloque jamais la photosynthèse de son hôte. Tant que l’arbre garde son feuillage et demeure en bonne santé, le lierre se limite à la base et aux branches maîtresses.
En revanche, lorsque l’arbre dépérit ou meurt, l’augmentation de lumière stimule le lierre, qui se développe alors dans la partie haute du houppier mort pour se reproduire. Ainsi, en hiver, les forestiers observent le niveau de développement du lierre pour déterminer l’état de santé de l’arbre.
Concernant l’influence du lierre sur la croissance des arbres, une expérimentation originale menée en 1870 en Angleterre apporte des éléments éclairants. Monsieur A. Arnold, propriétaire forestier, coupa les lierres de la moitié des chênes colonisés de sa parcelle et laissa l’autre moitié intacte. Lors de l’abattage de tous les chênes en 1942, les résultats ne montrèrent aucune différence en hauteur moyenne, en diamètre à la base ou en volume de bois entre les arbres porteurs de lierre et les autres. Plus récemment, une autre étude (Trémolières et al., 1988) confirma que la croissance des « arbres à lierre » ne présentait aucune différence significative par rapport à celle des arbres non colonisés.
Si nous venons de voir les intérêts pour le lierre, il peut aussi avoir un impact négatif sur les arbres porteurs, mais ces effets ne se manifestent que dans certaines circonstances. Si un lierre installé sur un arbre réussit à atteindre la canopée, il accède alors à la lumière totale et va déployer ses ramures et son feuillage. Clairement, il va entrer en compétition pour la lumière avec l’arbre et prendre le dessus en couvrant le feuillage de son hôte. Un autre effet collatéral du lierre installé vers la cime concerne le risque de faire casser l’arbre lors d’épisodes de vent fort ou de gel intense. En effet, la boule volumineuse d’un lierre installée dans la cime avec son feuillage présent même en hiver offre une prise au vent accrue et devient très lourde en cas de formation de glace sur les feuilles. Le risque est encore plus fort avec les essences à bois tendre (peupliers, saules, frênes) ou avec les arbres âgés.
Dans le cas des forêts, sa préservation est plus que recommandée sachant qu’il n’y aura que très peu de cas où le lierre présente un risque de recouvrement pour un arbre en pleine santé. Pour le cas d’arbres isolés, les arbres fruitiers par exemple, la coupe du lierre grimpant sur le tronc peut se justifier du fait qu’à un moment donnée par la forte arrivé de lumière de part et d’autre, le lierre se développera abondamment jusqu’à recouvrir l’ensemble du houppier. Néanmoins, durant son abstinence d’une dizaine d’années, tant qu’il n’a pas atteint la cime, le lierre présente bien des avantages indéniables avant d’être coupé. Tout est une question de contrôle !
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