De la forêt à la scierie : un exemple de gestion durable dans une hêtraie gérée par Cœur de Forêt
- Tiphanie David
- 27 juin
- 5 min de lecture
Dans les profondeurs feuillues de la hêtraie des Montolio, une filière bois locale et durable se construit, alliant tradition forestière, innovation sylvicole et économie de territoire. Porté par notre association Cœur de Forêt et plusieurs acteurs de terrain – un conseillé forestier, un technicien forestier, un bûcheron, un exploitant et une scierie locale – ce projet illustre comment gérer une forêt en sylviculture à couvert continu.
Une hêtraie et un accompagnement sur mesure
Mathieu Lohézic, technicien forestier de l’association Cœur de Forêt, a accompagné ces propriétaires forestiers à la bonne gestion de leur forêt. Ils disposent d’une forêt composée majoritairement de hêtres situés à 850 mètres d’altitude en Aveyron. Ces propriétaires souhaitaient « un avis éclairé sur leur forêt », et surtout, des conseils concrets pour l’avenir. Elle servira de forêt vitrine pour les forêts alentours,
Après une analyse complète, notre équipe, nos techniciens forestiers chez Cœur de Forêt marquent les arbres minutieusement, selon les principes de la sylviculture à couvert continu. Il ne s’agit de ne couper pas à blanc, mais de sélectionner individuellement les arbres arrivés à maturité tout en gardant l’équilibre de la Canopée, et en laissant la place à une régénération naturelle et à une diversité d’âges au sein du peuplement forestier.
Cette opération dans la hêtraie des Montolio n’aurait pas pu voir le jour sans un engagement collectif des différents acteurs de la filière. À commencer par les propriétaires forestiers, qui ont accepté de vendre leur bois à un prix inférieur, conscients qu’il s’agissait d’une démarche expérimentale vertueuse et qu’ils conservaient une part importante de leur capital forestier sur pied.
De notre côté, nos appuis techniques et financiers ont permis de sécuriser cette opération qui demandait plus de technicité qu'une exploitation classique. Nous intervenons notamment pour montrer que ce type d’intervention est possible. Car il faut les acteurs travaillent ensemble Notre action a permis de fluidifier le travail des entreprises impliquées sur : le marquage précis, l’éhoupage soigné, l’abattage contrôlé pour éviter d’endommager les autres arbres, et le débardage avec le minimum d’impact sur les sols forestiers.
Notre rôle est double : rassurer les propriétaires forestiers sur la faisabilité d’une gestion douce, et créer les conditions techniques et économiques pour que cette gestion soit possible.
On peut voir ce projet comme un site vitrine, une démonstration que la sylviculture mélangée à couvert continu (SMCC) peut fonctionner, une impulsion pour que les acteurs coopèrent et que les bons leviers soient activés.
Les rôles clés des métiers du bois
Stéphane Serieye du Centre National de la Propriété Forestière
Stéphane Serieye conseille tous les propriétaires forestiers privés. Il nous partage son expérience, sur ce type de travaux qu’il a déjà mis en place chez d’autres propriétaires. Son aide est précieuse parce qu'il a une très bonne connaissance du territoire (milieu forestier, acteur de la filière...)
Maxime Pouget – Exploitant forestier
Maxime Pouget est exploitant forestier. C'est lui qui a négocié et acheté les bois aux propriétaires. Il a donc la gestion du chantier et des travaux en plus du volet économique :
« On a acheté les bois sur pied, on les a ensuite vendus à une scierie soucieuse de la provenance des bois et d’une sylviculture durable en amont »
L’implication de Maxime permet une fluidité dans le circuit économique du bois et garantit une valorisation locale. Il note aussi que travailler sur des coupes irrégulières est plus complexe, mais plus durable.
Jonathan Cantet – Bûcheron, débardeur, sylviculteur
Jonathan Cantet est intervenu en forêt pour réaliser l’abattage et le débardage des arbres marqués. Il explique :
« Je réalise tous les travaux d’abattage et de débardage, mais aussi les travaux sylvicoles, de la plantation jusqu’à la première éclaircie. »
Il travaille en collaboration avec le CNPF (Centre National de la Propriété Forestière) et l’exploitant Maxime Pouget. Ce chantier a présenté des particularités intéressantes : il s’agissait d’une coupe d’irrégularisation dans une hêtraie, un chantier souvent peu rentable à première vue, mais qui prend tout son sens grâce au soutien de l’association.
« Ce genre de coupe est très intéressant techniquement, mais généralement peu adapté à l’économie. Cœur de Forêt permet de sécuriser le modèle économique, de pouvoir les réaliser sans perdre d’argent. »
Jonathan souligne aussi les préjugés autour du métier de bûcheron, souvent perçu comme destructeur : « On nous voit comme ceux qui coupent, mais on est aussi ceux qui accompagnent la forêt, on l’éclaircit, on la soigne. »
Une valorisation locale : la scierie Pomarède
Les grumes extraites ont été vendues à la scierie Pomarède, une entreprise implantée localement, qui a transformé du hêtre pour la toute première fois ! Il diversifie les essences vendues qui serviront à divers usages, notamment pour la menuiserie, pour créer des escaliers ou des meubles. Cette proximité permet de limiter les transports, de soutenir l’économie circulaire, et de renforcer le lien entre forêt et territoire.
Un modèle sylvicole exigeant, mais possible
La sylviculture à couvert continu – pratiquée ici – consiste à ne jamais raser la forêt, mais à maintenir en permanence un couvert forestier, composé d’arbres de différents âges. Cela implique :
Un inventaire du peuplement et une bonne connaissance de la station forestière,
· Établissement d'un plan d'aménagement forestier, en intégrant différents facteurs : objectifs du propriétaire, peuplement objectif, station, dynamique naturelle...
· Une désignation minutieuse d'arbre à couper, qui seront sélectionnés en vue de favoriser les arbres restants et d'atteindre les objectifs
· Des passages en coupe et travaux plus fréquents, mais moins intensifs.
· Un travail plus exigeant pour les forestiers et bûcherons
Mais ce modèle a un bénéfice majeur : il préserve les sols, les paysages, et permet aux forêts la longévité. D’un point de vue économique, le soutien associatif est crucial : « Grâce à Cœur de Forêt, on équilibre les coûts. Le bois est valorisé, et on peut payer les ouvriers correctement. »
Un chiffre marquant est cité : le bois a été vendu 40 €/m³ sur pied, un tarif cohérent pour du hêtre de qualité, extrait de façon respectueuse.
Forêt, Économie et Climat se rejoignent
Ce projet dans la hêtraie des Montolio démontre qu’une filière bois durable et locale est possible. Il prouve aussi que l’humain reste au cœur du modèle : des propriétaires à l’écoute, un technicien engagé, un bûcheron fier de son métier, un exploitant ancré dans le territoire, une scierie responsable.
Et surtout, il montre qu’il est possible de faire autrement :
De produire du bois sans abîmer la forêt
De faire vivre un territoire sans exporter sa matière première
De construire une économie forestière plus douce, plus patiente, plus durable.
Finalement, dans cette forêt aveyronnaise de 2 hectares, nous avons marqué 150 arbres qui ont été récoltés pour être valorisés en 80 m³ cube de bois de sciage (et 400 stères de bois de chauffage). Ils finiront dans vos maisons, serviront de table, d’escalier ou de meuble qui traverseront les générations.
Depuis le début du projet, nous avons valorisé 770 m³ de bois, sur 17 hectares de forêts. Soutenir notre association, c'est aussi permettre ce cercle vertueux entre préservation des écosystèmes forestiers, des bois dans l’économie locale. Un juste retour à l'envoyeur.
Si vous souhaitez participer à ce cercle vertueux, participez à notre campagne de don.