Si par le plus grand des hasards, vous étiez au beau milieu de la forêt Indonésienne de Ngawada, les 13-14-15 octobre, et que vous avez entendu des bruits d’instruments, formant une douce mélodie adjoint à quelques sonorités humaines. Eh bien, vous ne rêviez pas, ces bruits existaient réellement. Je me suis laissée guider par ce mystérieux brouhaha et je suis heureuse de vous partager mon expérience. Suivez-moi au cœur du tout premier « Ekologi Festival » de Florès, organisée par Cœur de Forêt et ses nombreux partenaires ayant répondu présents pour l’occasion. Immergez-vous un peu plus dans l’ambiance en écoutant les passages musicaux tout droit sortis du festival : https://www.youtube.com/watch?v=vvsbdb3KBFA
En arrivant à la lisière de la forêt, j’aperçois la clairière où s’est installé le festival. Une des personnes de l’organisation m’accueille et m’explique la pléiade d’activités environnementales qui y sont proposées. Je vais (re)découvrir comment mieux prendre soin de notre nature par le biais des forêts et de l’eau. A travers des ateliers, des conférences ou encore des workshops, l’objectif est de montrer comment s’adapter à la nature et comment apprendre à vivre en harmonie avec elle. La thématique m’enchante, je me hâte à l’intérieur du festival.
Une grande place s’étale devant moi avec les 12 stands magnifiques de chaque côté. Nous avons 1600 m2 pour parcourir sereinement l’évènement en se sentant à notre aise. Avec 300 participants, j’apprécie cet espace pour aller où bon me semble.
Je sens encore l’odeur de la chaux qui émane du toit des stands. Ils sont entièrement artisanaux, faits à base de bambou et construits grâce à l’aide des villageois la semaine dernière. Le résultat est époustouflant !Je m’avance vers le premier stand pour humer la douce senteur de savons. Une belle variété de produits naturels garnissent le stand et appellent à la détente : huiles de massage, huiles essentielles, baumes et savons.
Plus loin, j’aperçois mon propre reflet au milieu d’une couronne de végétation. Je suis face aux créations de Waldetrudis, qui fabrique des miroirs artisanaux sur lesquels elle ajoute des éléments végétaux, comme les feuilles de bananier séchées.
Après le bananier, c’est le bambou tressé qui est mis à l’honneur par Véronika sur le stand suivant. L’artiste me raconte que ses objets sont faits à la main et qu’elle est « très heureuse car nous pouvons montrer notre travail ici ».
En passant près du stand suivant, je sens comme une ambiance familière. Et pour cause, ce sont les membres de l’équipe Cœur de Forêt / Puge Figo qui valorisent les produits de nos producteurs partenaires. J’y discute quelques instants avec Petrus Iowa, habitant de Nginamanu et bénéficiaire du programme de formation de l’association : « les activités de Cœur de Forêt ont un impact positif sur la communauté locale, en particulier les agriculteurs. En tant qu'agriculteurs, nous sommes reconnaissants que nos produits agricoles puissent être exposés et vendus dans cette activité" me dit-il.
L’artisanat est au cœur de ce festival ! Mais l’équipe Cœur de Forêt en Indonésie nous a préparé bien d’autre surprises.
J’arrive sur un stand un peu différent. Raymundus Minggu notre responsable reforestation est là, il y présente les essences d’arbres que nous trouvons sur le projet Cœur de Forêt. Les jeunes plants qu’il nous montre sur le stand vont être plantés lors d’une animation de plantation plus tard dans la journée. L’impact pédagogique de ce stand complète à merveille la valorisation des produits de la forêt sur les stands artisanaux. La boucle est bouclée.
Happée par tous ces stands, je me fais surprendre par la faim quand une douce fumée vient me chatouiller les narines. Les plats qui bouillonnent au loin brouillent mes sens, il est temps de passer à table ! Les gens semblent tous savoir ce qu’ils souhaitent manger. Alors je me laisse tenter par la découverte et demande la même chose que mon voisin : des chips de manioc avec de la viande de porc. Un festin !
Je suis rassasiée et parée pour poursuivre ma découverte de la journée quand un gong retentit, des voix s’échauffent et j’entends des bribes de mots : « forêts » « plastique », les voix semblent passionnées. Les débats ont commencé. Je me hâte sous la tente blanche au bout de l’allée, je ne vais tout de même pas louper ce débat d’idées qui se promet animé !
Des jeunes étudiants et lycéens sont sur scène. Ils s’apprêtent à piocher le sujet d’actualité qui sera le thème de leur débat. Les participants des 12 lycées de Ngada et Naekeo en lice s’affronteront autour des problèmes écologiques nationaux et mondiaux, avec chacun une position à défendre : « pour » ou « contre » une fois le sujet de controverse pioché. A l’issue de ce combat de mots, un seul d’entre eux remportera la compétition.
Et vous, quels arguments défendriez-vous face à ces sujets ? « Couper la forêt est le droit de tous », « La présence du statut "Forêt Protégée" de certaines zones de forêt, limite les droits humains », « Le problème des déchets plastiques dans la ville de Bajawa relève de la faiblesse réglementaire du gouvernement », les sujets sont complexes et vont demander une profonde réflexion à nos participants. Pouvoir de négociation, arguments, répartie et esprit critique, les étudiants devront déployer de nombreuses compétences pour mettre leur adversaire KO sur le terrain de l’intellect.
Ça y est le gong retentit, le prochain match est lancé. L’atmosphère sous la tente se réchauffe, les élèves se tendent, ils sont prêts défendre bec et ongles leur point de vue. Aucun camp ne souhaite donner raison à l’adversaire, un combat entre persuasion et éloquence commence. Le public est tenu en haleine jusqu’à la toute fin du temps imparti. Je ne vois pas filer les phases : Poule, 8ème, quarts, demis, nous arrivons rapidement à la finale. Nous avons nos vainqueurs : Le lycée Aimère !
Après ce moment intense, je vais trouver un endroit plus calme mais tout aussi intéressant. Ici, c’est mon âme d’artiste qui va pouvoir s’exprimer. Rouges, bleus, verts, les crayons sont taillés et les esprits créatifs se préparent pour le concours de dessin. Il réunit 10 écoles primaires autour du thème : « Qu’est qui est arrivé à notre maison la terre » ? ». Après avoir dessiné, chaque élève présente son travail devant le jury qui va départager les œuvres.
C’est Agnès qui remporte le prix avec son dessin : « J'ai dessiné la destruction et les feux en forêt. Mais on peut aussi remarquer une fleur rose au premier plan, symbole d'espoir. », nous dit-elle.
Un peu plus loin, j’aperçois des étudiants qui m’intriguent, ils manipulent des objets et semblent vouloir convaincre leur auditoire, mais de quoi ? Je me rapproche et me retrouve au centre d’une compétition de sensibilisation sur l’écologie. Ces étudiants vulgarisent les problèmes environnementaux en s’appuyant sur des expériences scientifiques qu’ils ont montées. Le grand prix revient à l’école élémentaire : 2 So'a avec sa démonstration des conséquences de la déforestation sur les glissements de terrain.
Les démonstrations d’expériences scientifiques finies, je rejoins le Workshop et y retrouve Raymundus Minggu, notre responsable reforestation ainsi que Nao, le coordinateur du projet Cœur de Forêt en Indonésie. Ils sont accompagnés de 8 autres intervenants. « Déforestation à qui la faute ? » est le sujet de la table ronde. A l’issue de cette table ronde nous rédigerons et enverrons une recommandation de loi à la chambre des députés locaux. Le but est de pousser à un changement national pour améliorer la situation des forêts.
Ensuite je retrouve Mardi, le responsable agro-écologie, sur la petite scène pour un séminaire sur ’agroforesterie avec le thème « l’agroécologie dans une perspective de technique de culture traditionnelle ». Il est accompagné par deux intervenants envoyés par l’État.
J’ai sacrément nourri mon esprit critique avec ces temps forts, ces débats et autres
démonstrations intellectuelles. Il est temps de laisser place aux spectacles et à la célébration des arts locaux.
Connaissez-vous la danse « Sarakolo » ? Avec ses costumes sortis d’un autre temps, cette danse me paraît mystique. Chaque mouvement a une symbolique : elle représente la plantation du riz, aliment central des repas indonésiens. Au commencement de la danse, les garçons miment la création des trous dans lesquels les filles viennent ensuite planter le riz. Le scénario interprété par nos danseuses et danseurs prend ensuite un autre fil. Transformées en oiseaux, les danseuses viennent picorer les récoltes, tandis que les garçons représentant les producteurs, vont faire semblant de chasser les oiseaux. Ainsi les cultures sont sauvées et la récolte sera bonne.
Cette danse n’est pas l’unique art de scène qui est au programme du festival.
Il y a cette pièce de théâtre où des jeunes comédiens se sont réapproprié le mythe de Puge Figo. Puge Figo, est le nom de l’antenne locale Cœur de Forêt en Indonésie. Il signifie l’arbre aux mille richesses.
Les plus petits sont montés sur scène, avec une pièce où chaque enfant incarne une plante médicinale. « Moi, je suis la sauge. Personne ne porte attention à moi alors que je soigne les problèmes de reins. », dit l’un d’entre d’eux. J’en apprends plus sur les caractéristiques et les vertus des plantes médicinales grâce à cette pièce didactique.
Puis vient le temps de la littérature, nous écoutons une poésie musicalisée de la part du lycée agricole local où des élèves ont personnifié les 4 éléments : l’eau, le feu, l’air et la terre. Cette poésie est agrémentée de chants autour de l’unité mythique entre ciel et terre. Le rappel des temps anciens quand la nature et l'humain ne faisaient qu’un.
Ces 3 jours de festival ont mélangé découverte, culture, apprentissage, créativité, pédagogie et se clôturent avec un groupe de reggae local : les GANAS. Les chansons font l’éloge de la Kupe (Pilostigma Malabaricum) cette plante majestueuse qui résiste au feu et permet la préservation de l’écosystème dans un pays où la culture sur brûlis est encore bien ancrée. La surprise subsiste jusqu’à la toute fin de l’Ekologi Festival. Au moment de la musique, « Florès Island » survient un happening : un peintre réalise en direct une création représentant le paysage local de Florès, d’une rare beauté.