Observer les oiseaux pour mieux gérer la forêt
- Tiphanie David
- 17 juin
- 3 min de lecture
Étudier les oiseaux, ce n’est pas une lubie de naturalistes : c’est un outil concret de diagnostic écologique, un levier de sensibilisation et un pilier pour une gestion forestière durable.
Une étude pionnière dans le Lot menée par Cœur de Forêt
Dans le département du Lot, où 99 % des forêts sont privées et morcelées, peu d’études ont été menées sur les cortèges d'oiseaux. Le projet porté par Cœur de Forêt vise à combler cette lacune en associant données de terrain, observations ornithologiques et analyses statistiques.
C’est Frantz Veillé, technicien forestier chez Cœur de Forêt, qui depuis 4 ans mène cette étude sur l’observation des oiseaux afin de mieux comprendre la forêt. Derrière ce projet se cache la volonté de fonder la gestion forestière sur des indicateurs biologiques fiables, accessibles aux propriétaires forestiers et utiles pour orienter les choix de demain.
Pourquoi s’intéresser aux oiseaux ?
Parce qu’ils sont de puissants bio-indicateurs. Les oiseaux forestiers comme par exemples les passereaux nicheurs réagissent rapidement aux changements de leur environnement. : structure de la forêt, diversité des essences, présence de vieux bois, intensité des pratiques humaines. Ils permettent ainsi de détecter des évolutions invisibles à l’œil nu.
« Les oiseaux nous parlent de la forêt. Leur simple présence, leur chant ou leur absence, nous donne des informations précieuses sur l’état écologique du site », explique Frantz Veillé, technicien forestier.
Une méthode rigoureuse pour un enjeu de terrain
L’étude s’est concentrée sur la région des Causses du Sud-Ouest, une sylvo-écorégion qui couvre l’ouest du Lot. Des points d’écoute ont été mis en place dans 88 parcelles forestières représentatives, réparties sur 31 communes. À chaque point : 20 minutes d’observation pour repérer les espèces présentes, associées à un relevé détaillé de la végétation sur 100 mètres de rayon.
Le protocole suit la méthode des Indices Ponctuels d’Abondance (IPA), qui permet d’estimer la fréquence de présence et l’abondance relative des espèces d’oiseaux.
Les forêts observées sont très diverses : futaies feuillues, taillis de châtaigniers, futaies résineuses ou encore peuplements mixtes. Certaines sont jeunes, d’autres anciennes, certaines pauvres en sous-bois, d’autres riches en micro-habitats.
Ce que révèlent les oiseaux
Les premiers résultats montrent des corrélations fortes entre le type de peuplement et les cortèges d’oiseaux observés. Par exemple :
Les forêts anciennes avec de gros bois et une forte présence de cavités accueillent une diversité avifaunistique beaucoup plus élevée, notamment des espèces spécialistes comme le Pic mar. (Leiopicus medius)
À l’inverse, les forêts qui contiennent qu’une seule espèce peu favorable à la biodiversité aviaire.
La présence d’arbres morts et de bois morts est un facteur clé : on en trouve dans 65 % des points d’écoute, et ces zones présentent les cortèges les plus riches

Cette approche permet à notre association d’établir une cartographie des cortèges typiques, utile pour conseiller les propriétaires forestiers : chaque groupe d’oiseaux devient un indicateur du type de forêt présent ou souhaitable.
« On veut toujours que la forêt soit propre, alors on coupe les arbres morts et la broussaille, parce qu'on n'aime pas trop quand ça pique. Mais en faisant ça, on détruit en même temps un habitat pour les oiseaux. Il faut expliquer que certains oiseaux nichent au sol. » explique Frantz
Mieux gérer les forêts avec les oiseaux comme guides

L’enjeu est clair : faire en sorte que les forêts privées du Lot soient gérées de façon durable, résiliente face au changement climatiques et accueillantes pour la biodiversité. Or, la majorité des propriétaires manquent d’accompagnement et de connaissances naturalistes.
« Grâce à cette étude, nous pouvons proposer aux propriétaires un diagnostic de biodiversité simple et accessible : vous avez tel cortège d’oiseaux ? Cela indique que votre forêt est jeune, ou pauvre en sous-étage, ou au contraire riche en habitats matures », détaille Frantz Veillé.
En croisant ces diagnostics avec les objectifs des propriétaires, Cœur de Forêt peut co-construire des plans de gestion sur-mesure.
Pourquoi financer ce type de recherche ?
Cette étude pilote montre l’importance cruciale de mieux connaître la biodiversité forestière pour mieux la gérer. Or, ce travail demande du temps, des compétences spécifiques.
Soutenir ce type de recherche permet : d’apporter des réponses concrètes aux enjeux de la gestion privée des forêts, d’enrichir les données scientifiques sur l’avifaune forestière, et de sensibiliser les citoyens et les propriétaires à l'importance de la diversité des essences, des vieux bois et des micro-habitats.
« L’objectif, c’est que chaque forêt puisse jouer pleinement son rôle écologique, social et climatique. Et pour cela, il faut des données, de la pédagogie, et des moyens », conclut Frantz.
Participer à notre campagne, c’est soutenir tant la recherche que la bonne gestion des forêts française.