Madagascar constitue l’un des 34 « Hot Spot » de biodiversité mondiaux, c’est-à-dire une zone très riche en biodiversité particulièrement menacée par l’activité humaine. En effet, plus de 1 500 espèces endémiques sont recensées sur l’île, alors qu’elles
ont perdu 70% de leur habitat d’origine. Le taux d’endémisme de cette région, c’est-à-dire la part des espèces présentes spécifiquement inféodées à cet écosystème, est estimé à 80%, la plaçant parmi les plus riches au monde pour sa biodiversité unique.
La presqu’île de Masoala, située au Nord-Est de Madagascar, est surtout connue pour son Parc National qui abrite l’une des plus fortes biodiversités de l’île. Créé en 1990, il englobe une zone de 230 000 ha et a permis de mener plusieurs recherches sur la faune et la flore (à l’image de l’expédition du Radeau des Cimes en 2001 menée par Francis Hallé).
Si le côté occidental de la presqu’île semble préservé de la dégradation humaine, son versant oriental est menacé par la déforestation massive. Depuis 2009, le Parc et ses abords subissent une très forte pression humaine pour l’exploitation des bois
précieux (bois de rose, bois d’ébène et palissandre notamment) et pour la culture de tavy (culture mixte de riz et fruits sur colline par brûlis). Chaque année de grandes surfaces supplémentaires sont défrichées et destinées à la culture du riz sur brûlis.
Depuis 2010, l’association s’est impliquée dans la zone afin de mener à bien plusieurs activités : 127 257 arbres plantés, 1 réserve forestière de 700 ha délimitée, 1 coopérative créée, équipée d’un alambic et d’une presse végétale, 1 turbine hydroélectrique installée permettant l’accès à l’électricité à 170 foyers. L’association Cœur de Forêt intervient avec une visée d’autonomisation de l’activité économique et de la préservation de la forêt. Dès lors, la fin du projet a été fixée à décembre 2018, avec la garantie d’une poursuite des actions de valorisation des produits de la forêt.
Cependant, les besoins en reforestation au sein de cette région demeurent une priorité urgente. Les populations locales s’inquiètent de l’évolution de leur environnement voyant leurs terres cultivables se réduire. Beaucoup souhaitent reboiser leurs terres, mais n’ont pas les moyens humains, financiers et techniques pour y parvenir.
Dès lors, l’association Cœur de Forêt a souhaité capitaliser sur ses 8 années d’expériences dans le domaine du reboisement et augmenter l’impact environnemental des actions par un reboisement à plus grand échelle. Elle a identifié une nouvelle zone d’intervention aux abords du Parc de Masoala, à l’ouest d’Antalaha, le long du
fleuve Ankavia, avec pour objectif de restaurer un écosystème forestier de 1 000 ha, soit 2 millions d’arbres composés d’espèces endémiques.
PLANTATIONS
Le 1er semestre 2019 a vu la mise en place du nouveau modèle d’intervention de Cœur de Forêt sur la région de Masoala afin de mener des actions de reboisement à grande échelle. Les caractéristiques des sols, épuisés, et la topographie vallonnée impactent grandement l’organisation et le suivi des actions de reboisement. Les sols concernés par le projet sont des sols laissés à l’abandon ayant subi une ou plusieurs cultures sur brûlis. L’état initial des parcelles est constitué : de végétation plutôt herbacée avec quelques arbustes pionniers, se dit des premières espèces recolonisant un milieu qui a été dégradé, comme Harungana madagascariensis et Angezoka (Trema orientalis), ainsi que de plantes envahissantes comme Aframomum angustifolium ou de fougères. Il est donc nécessaire de mener un désherbage manuel régulier les premiers mois après la plantation des jeunes plants d’arbres afin de leur assurer une croissance plus rapide.
La topographie vallonnée, ainsi que l’absence de routes praticables, augmentent la complexité de la reforestation. Les distances sont longues à parcourir, et les plants transportés grâce à des paniers. Les pépinières doivent donc être morcelées et positionnées au plus proche des zones de reforestation et des cours d’eau. Nous facilitons ainsi l’organisation liée à l’acheminement des jeunes plants jusqu’aux parcelles à reboiser.
Les activités de ce 1er semestre 2019 ont débuté par la sélection des parcelles, la collecte des graines en forêt, la mise en place des pépinières au sein des parcelles, la définition des modèles de plantation sur chaque parcelle et le début des plantations.
Identification des parcelles
La nouvelle zone d’intervention se situe aux abords du Parc de Masoala, à l’ouest d’Antalaha et le long du fleuve Ankavia. Les premières parcelles identifiées pour le reboisement ont été sélectionnées selon plusieurs critères. Tout d’abord les 5 terrains appartiennent à 5 familles, soit un nombre relativement restreint d’interlocuteurs facilitant les relations, l’implantation et le suivi du reboisement. Les parcelles sélectionnées sont ensuite disposées de manière relativement continue, représentant une surface totale de 87 ha. Enfin, ces parcelles présentent des niveaux de dégradation plus ou moins avancés permettant de tester nos modèles de plantation pour répondre à ces différents contextes.
Collecte de graines
La collecte des graines est menée tout au long de l’année en fonction des périodes de
production des arbres en forêt. Elle requiert un savoir-faire pour la collecte, la conservation et le traitement des graines.
Mise en Pépinières
Les zones d’implantation des deux pépinières ont été définies et nous y dénombrons déjà 72 000 plants globalisant 23 essences qui seront plantés cette année, sans compter les graines qui seront implantées, quant à elles, par semis direct.
Plantation
Ce sont 4 modèles de plantations qui ont été définis en fonction des types de terrains identifiés et de la vitesse de croissance des essences sélectionnées : Un modèle à croissance lente et un modèle à croissance rapide sur les terrains montagneux qui sont en bon ou moyen états. Un modèle à croissance rapide pour les terrains montagneux dégradés. Et enfin, un modèle « Miyawaki », où nous testerons une méthode de reforestation à forte densité associant des semis directs d’essences à croissance rapide en mai-juin et des plantations d’essences à croissance lente d’ici fin décembre.
La méthode Miyawaki, initialement développé au Japon, puis dans d’autres zones tropicales du monde, est une méthode de reconstitution « de forêts indigènes par des arbres indigènes » qui produit un faciès pionnier forestier riche, dense et efficacement protecteur en 20 à 30 ans, là où la succession naturelle aurait nécessité 200 ans à 500 ans. Elle peut donc s’avérer très efficace pour des terrains dégradés comme ceux sélectionnés par Cœur de Forêt.
Les espèces à croissance rapide sélectionnées sont : Hintsy (Intsia bijuga), Bois de rose ou Andranomena (Dalbergia maritima*)(EN), Foraha (Calophyllum inophyllum*)(LC), Mandrorofy (Hymenaea verrucosa*), Ramy (madagascariensis*)(EN), Vapaka (Uapacathouarsii) ou Vapaka fotsy (Uapaca Sp1),Hazomena (Khaya madagascarensis*)(EN),Sakoanala*, Mantadia (Terminalia mantadia*),Roy (Acacia mangium)(LC).
Tandis que celles à croissance lente sont :Araka (Dupuya sp1 - Xanthocercismadagascariensis*), Bois d’Ebene(Diospyros), Nanto (Faucherea*)(LC),Azovola (Dalbergia baroni*)(EN), Tafononana(Ocotea sambiranensis / cymosa*)(LC),Rotra (Syzygium*), Antohiravina (Phyllarthronmadagascariensis*), Faho (Chloroxylumfaho*)(VU), Tavolo (Cryptocaria thouvenotiiou sp1*), Tamenaka (Hirtella ou Magnistipulatemanaka sp*)(LC), Ravimba fotsy (Aphloiatheiformis), Sangira matingoro (Cleirodendronsp*), Harungana ampanihy (Psorospermumcerasifolium*).
Parmi ces espèces, celles suivies d’un astérisque (*) sont endémiques de Madagascar, et parfois également sur liste rouge de l’UICN, avec un statut de conservation donnant la gravité de la menace qui pèse sur l’espèce citée. Les statuts de conservation UICN allant du moins critique au plus critique : (LC) pour "Least Concern" (en français : Préoccupation mineure), (VU) pour "Vulnerable" (en français : Vulnérable), (EN) pour "Endangered" (en français : En danger).
Le reboisement a débuté à la fin du 2nd trimestre 2019 sur 43 ha avec trois premiers propriétaires. En 2020, sur la fin de la saison de plantation 2019-2020, nous reboiserons les parcelles des deux derniers propriétaires et compléterons ainsi les 44 ha manquants. Pour mener à bien ce nouveau projet, la création de l’association locale Cœur de Forêt Masoala a été réalisée auprès des autorités malgaches. Elle portera les actions de plantations à grande échelle qui réorientent le projet Madagascar Masoala depuis cette année, en se détachant du volet économique initié les 8 années précédentes et désormais autonomes. Les actions locales continuent d’être pilotées par notre coordinateur de projet Masoala, Samuel ADAM.
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