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Photo du rédacteurAlice Gontier

[Rapport] Bilan 2019 Projet Indonésie Florès

Dernière mise à jour : 26 juin

Chaque année, l’île de Florès est fortement touchée par la pratique du brûlis de la part de ses habitants, en particulier les éleveurs et les paysans. D’une part, le feu est allumé sur les

herbes sèches par les chasseurs dans le but de faire sortir le gibier (sanglier, cerfs) de la broussaille, d’autre part, l’île commence à attirer des investisseurs agricoles, peu enclin à la préservation de l’environnement, qui souhaitent bénéficier de nouveaux espaces pour la plantation d’oléagineux destinés à l’alimentation (cajou) ou encore aux transports (biofuel). Les faibles revenus générés par les quelques productions locales n’offrent pas de perspective

suffisantes pour les jeunes générations alors même que les connaissances sur la pharmacopée traditionnelle et les traditions locales se perdent rapidement, en l’espace d’une génération

seulement. Le projet Coeur de Forêt Indonésie a été initié en avril 2014 sous l’impulsion de Nao REMON, anthropologue spécialiste de la région d’intervention et actuel responsable du projet Coeur de Forêt à Florès. Les objectifs du projet sont de préserver les espaces forestiers existants, en particulier la Montagne Sacrée Wolomezé, riche en biodiversité et lieu de nombreux mythes locaux, ainsi que d’appuyer le développement d’activités génératrices de revenus pour les producteurs partenaires. La saison de plantation 2019- 2020 aura permis la plantation de plus de 266 782 arbres depuis le début du projet en 2014, essentiellement du Santal, des espèces forestières, fruitières et de rente. L’association locale Puge Figo, antenne locale émanant de Coeur de Forêt, s’est attachée à accompagner techniquement les producteurs dans la plantation de ces arbres, mais aussi dans le développement de parcelles de production de patchouli et de vanille. De 2014 à 2018 nous avons investi dans les premiers moyens de transformation (alambic, hangar de séchage, extracteur d’arômes), mis à disposition des producteurs, nécessaires pour la valorisation des produits forestiers non-ligneux qu’ils cultivent. En parallèle, les campagnes de reforestation permettent de sensibiliser les jeunes populations, en intégrant les écoles locales aux actions de reboisement, mais aussi auprès de la population locale dans son ensemble pour l’arrêt des brûlis autour des espaces forestiers, notamment autour de la Montagne Wolomezé.



Reforestation communautaire Jusqu’ici en Indonésie, nous reboisions principalement des parcelles appartenant aux producteurs de la zone, propriétaires de leurs propres parcelles. Ce type de reboisement atteint désormais ses limites. En effet, il nécessite un lourd travail

de relations interpersonnelles et ayant déjà planté avec la grande majorité des producteurs géographiquement proches, leur capacité d’absorption en jeunes plants s’en trouve diminuée. Il faudrait étendre notre surface d’intervention pour identifier de nouveaux producteurs. Plus distants, avec des infrastructures routières insuffisantes et en mauvais états sur l’île de Florès, le temps nécessaire pour tisser des relations de confiance et réaliser le suivi avec ces producteurs en serait fortement impacté. Pour la campagne 2019/2020, nous réorientons ainsi la grande majorité du programme de plantations vers des projets de reforestation communautaires. La plantation sur les zones communautaires est essentiellement à visée de préservation, mais elle permet également une augmentation des surfaces reboisées avec un suivi simplifié grâce à un nombre plus restreint d’interlocuteurs. Le reboisement aura ainsi

lieu en partenariat avec les communes des alentours, sur des « zones productives» pour l’utilisation des habitants, ou en « protection des ressources en eau ». C’est grâce à la participation de Puge Figo à la Bourse aux idées en 2018, ainsi que le rapprochement avec l’antenne locale du ministère de l’environnement et de l’office des forêts de Kupang, que nous pouvons réorienter les campagnes de plantation vers les programmes menés par les communes elles-mêmes. En effet, sans statut officiel, participer aux réunions communales n’est pas permis sans être résidant de la commune concernée. Nous sommes désormais reconnus officiellement comme référentssur l’agronomie et le reboisement à l’échelle locale.


1. Nao REMON, responsable du projet à la Bourse aux idées en 2018 / 2. Mélange de graines pour semis direct / 3. Transplantation des graines germées en pépinière (1) / 4. Transplantation des graines germées en pépinière (2) / 5. Plants en pépinière / 6. Plants de Giroflier avant distribution pour plantation / 7. Trouaison avant plantation / 8. Parcelle communautaire reboisée


Les objectifs initiaux de plantation fixés à 35 000 arbres ont été revus légèrement à la baisse. Ce sont ainsi 28 082 arbres de 11 espèces distinctes qui ont été cultivés en pépinière pour être implantés à la saison 2019/2020 : Santal (Santalum album) (VU)*, Jabon (Anthocephalus chinensis), Giroflier (Syzigium aromaticum)*, Muscadier (Myristica fragrans), Hibiscus rosasinensis*, Orchidee de Malabar (Piliostigma malabaricum)*, Agarwood (Gyrinops versteeghii)*, Tamarinier (Tamarindus indica) (LC)*, Cassier (Cassia fistula)*, Combava (Citrus hystrix)*, Kaliandra (Calliandra calothyrsus), Albizia (Albizia julibrissin), Ramboutan (Nephelium lappaceum), Shatkora lemon (Citrus macroptera)*. Parmi ces espèces, celles suivies d’un astérisque (*) sont indigènes de la région, et parfois également sur liste rouge de l’UICN, avec un statut de conservation donnant la gravité de la menace qui pèse sur l’espèce citée. Les statuts de conservation UICN vont du moins critique au plus critique : (NT) pour Near Threatened (en français : Quasimenacé), (LC) pour Least Concern (en français : Préoccupation mineure), (VU) pour Vulnerable (en français : Vulnérable), (EN) pour Endangered (en français : En danger). Le travail de réimplantation du Santal réalisé sur le projet depuis plusieurs années nous a permis de faire ressortir 3 modèles agroforestiers à base de Santal. Ce sont les modèles qui étaient dominants lors des dernières campagnes de plantation jusqu’en 2019. Un 1er modèle « Santal Forestier » est adapté aux parcelles en friches ou non exploitées avec la présence d’arbres adultes qui serviront ainsi d’hôtes au santal. Un 2nd modèle « Santal Fruitier » concerne les parcelles cultivées ou en friches, sans arbres préexistants, où il convient de planter également les arbres hôtes du santal, plutôt des arbres fruitiers et/ou forestiers pour le bois de construction selon les besoins du producteur. Enfin, les terrains critiques abimés, type savanes, sont reboisés avec le 3ème modèle « Santal Régénération », qui intègre du semis direct d’arbres hôtes (de la famille des Fabaceae) à proximité des santals.



1. Déménagement de la pépinière sur un nouveau terrain / 2. Plantation de Citrus macroptera / 3. Agrumes et Giroflier (Syzigium aromaticum) en pépinière / 4. Jeunes plants de Giroflier

(Syzigium aromaticum) avant plantation / 5. Transplantation de Santal (Santalum album) en pépinière / 6. Noix de muscade pour germination / 7. Chargement de plants de Santal avant distribution / 8. Plantation de Santal avec le lycée agricole de Wue


Reboisement sur les « zones productives » Certaines communes possèdent des terrains communautaires et y financent la plantation et l’entretien d’arbres dans l’optique d’en

laisser la gestion à la population. Les travaux d’entretien et de désherbage sont financés par

la commune sur les premières années. Dans cette logique, la commune peut également

appuyer financièrement la plantation d’arbres sur des terrains privés qui sont en limite des

terrains des zones productives, et ce afin d’assurer la préservation des plantations

communautaires et notamment concernant la lutte contre le feu. C’est essentiellement dans

ce cadre que le santal a été planté pour cette campagne 2019/2020. Reboisement « sur collines ou en protection de la ressource d’eau » L’enjeu ici est de proposer des essences adaptées aux problématiques de chaque commune, c’est pourquoi une étude préalable du terrain sera organisée afin d’y implanter les essences adaptées parmi : Tamarin (Tamarindus indica), Piliostigma malabaricum, Antocephalus chinensis, Calliandra calothyrsus, Cassia fistula, Albizia julibrissin sous forme de jeunes plants ou en semis direct pour les espèces : Lamtoro (Leucaena

leucocephala), Callindra calothyrus, Calliandra tetragona, Capoquier (Ceiba pentandra),

Tamarinier (Tamarindus indica), Sesbane chanvre (Sesbania canabina), Gliricidia

sepium, Senna siamea et Agastya (Sesbania grandiflora). Restauration / reforestation expérimentale Plusieurs zones de reboisement sont ciblées : 30 ha de la colline Nangge Mba’a, 7 ha de la colline Keka Boke, 7ha et 30 ha de la zone Forest Mosaic. En 2019, de premières actions

de semis, d’installation de réservoirs d’eau et de panneaux de captation d’eau ont été

menées. Malheureusement, de nombreux feux en septembre 2019 nous ont contraint à

modifier la stratégie de reboisement que nous appliquons à cette zone.


1. Patchouli (Pogostemon cablin) / 2. Agastya (Sesbania grandiflora) / 3. Agastya (Sesbania grandiflora) pour association avec le patchouli / 4. Capoquier (Ceiba pentandra) / 5. Acacia

(Calliandra calothyrsus) / 6. Lamtoro (Leucaena leucocephala) 7. Tamarinier (Tamarindus indica) planté sur la zone de Keka Boke / 8. Jabon (Anthocephalus chinensis


Seuls 25 % des surfaces n’ont pas été brûlées sur les 67 ha de zones de reforestation expérimentales. Ce désastre nous montre le caractère indispensable de la sensibilisation

des plus jeunes au sein des écoles, mais également auprès des populations rurales afin de diminuer les habitudes de brûlis sur le long terme. En parallèle, nous devons trouver de nouvelles techniques de reboisement qui permettront aux zones récemment plantées de mieux résister aux incendies. Une nouvelle stratégie de reboisement et gestion des feux est ainsi testée depuis le dernier trimestre 2019 sur la zone de Nangge Mba’a. Cette nouvelle technique doit permettre aux arbres de composer avec le feu, de mieux y résister, plutôt que de lutter uniquement contre les flammes par la mise en place d’allées pare-feu. Nous avons ainsi planté 31 646 macro-boutures de Gliricidia sepium en densité serrée. Cette espèce résiste bien au feu et pousse rapidement. Elle permet de créer un couvert végétal rapide pour éviter la prolifération des petites herbes qui propagent rapidement les flammes. Ensuite, nous éclaircirons la zone

pour y diversifier les espèces présentes. Depuis le lancement de ces expérimentations de reforestation, l’ensemble des arbres plantés, dont Gliricidia sepium, ne sont pas comptabilisés dans nos indicateurs d’impacts puisque des incendies viennent régulièrement y brûler les parcelles de test. Diversification des cultures & implantation de plantes aromatiques et médinicinales Au cours de l’année 2019, nous avons pu réaliser le suivi de 75 producteurs de

vanille, 22 producteurs de patchouli, dont 3 producteurs qui sont impliqués sur les deux productions : vanille et patchouli, ainsi que 47 producteurs de lemongrass.

1. Zone de reboisement expérimentale calcinée / 2. Plantation de Santal / 3./ Distribution de plants de Santal / 4. Incendies sur la zone expérimentale / 5. Zone de reboisement expérimentale calcinée (2)/ 6. Volcan Ebulobo / 7. Travaux sur la pépinière de Puge Figo


La capitalisation des données sur l’itinéraire cultural de la vanille réalisé auprès des producteurs a permis la rédaction de fiches techniques en indonésien. Elles vont être diffusées auprès des producteurs de la zone pour améliorer leurs pratiques et former de nouveaux producteurs. 6 880 plants de Patchouli (Pogostemon cablin) ont été plantés chez 14 producteurs bénéficiaires de Puge Figo et 2 125 boutures de vanille ont été distribuées chez 11 producteurs bénéficiaires de l’association. Un focus de suivi technique sur 20 producteurs de vanille, 10 producteurs de patchouli et 5 producteurs de citronnelle a été décidé dans l’objectif de leur autonomisation technique. Ils ont été sélectionnés selon plusieurs critères : les caractéristiques de leur parcelle (taille, pédologie, pente, accès à l’eau), leur motivation (basée sur le retour que les producteurs font du contrat et de la collaboration avec Puge Figo : prix d’achatde la masse verte, suivi, droits et obligations etc…), leur volonté de se fédérer, de passer à un mode de culture 100% naturel, une adéquation de la « typologie » du producteur et de son système de culture à l’implantation de la culture concernée, la disponibilité du foncier, l’engagement du producteur à fournir des plants à d’autres producteurs s’il est en excédent, et enfin la capacité de coopération du producteur concernant la transmission des informations nécessaires au suivi par notre responsable, critère qui sera réévalué au fil du partenariat. Un critère supplémentaire est la volonté des producteurs de calculer leur coût de production, ce qui nécessite la tenue d’un cahier de recensement des activités et de la main d’oeuvre associée.




1. Distribution de boutures de Vanille (Vanilla planifolia) au groupement Maladhawi / 2. Plants de Patchouli (Pogostemon cablin) en sachets chez le groupement Gou / 3. Vanille verte chez le producteur : Kelewae / 4. Signature du contrat de groupement producteurs de Vanille / 5. Récolte de Lemongrass / 6. Plants de Patchouli (Pogostemon cablin) en sachets chez le groupement Gou (2) / 7. Récolte de la Vanille par un producteur bénéficaire : Kelewae / 8. Récolte de la Vanille par un producteur bénéficaire : Mateus JAWA


SENSIBILISATION

Un diagnostic sur les actions de sensibilisation réalisées les années précédentes étaient nécessaires afin d’en évaluer l’impact et identifier les axes d’améliorations potentiels. Ainsi, le programme 2019 de sensibilisation a intégré une dimension empirique, notamment grâce à des sorties en milieu naturel pour de l’observation en relation avec les thématiques du développement durable et de la protection de la biodiversité. Une autre piste d’amélioration est l’intégration de ces enjeux au sein du cours « transmission locale » obligatoire dans toutes les écoles mais pour lequel les enseignants ne sont pas formés par le gouvernement. Depuis le mois d’août, 8 sessions de sensibilisation ont été réalisées, abordant les thèmes suivants : Les fonctions diverses de l’arbre, la préservation de l’environnement (x2), les feux et brûlis, le récit biblique de la Création comme support à la réflexion écologique (la religion étant très présente, s’inscrire sur les temps religieux pour délivrer des messages environnementaux s’avère très utile), la crise environnementale, chasse et brûlis : évolution vers une chasse écologique, changement des pratiques du brûlis liées à l’élevage, conversion à l’agroécologie (en partenariat avec le Ministère de l’agriculture). Ce sont ainsi 320 enfants (écoles primaires, collèges et lycées), 132 adultes (professeurs, formateurs, militaires, journalistes, membres des institutions étatiques, membres de communauté coutumières, éleveurs, villageois) bénéficiaires de nos actions de sensibilisation en 2019. Suite à ces actions, 9 articles ont été publiés en ligne par des journalistes à l’échelle locale, et 1 passage sur la chaine nationale a eu lieu grâce à nos séances sur « Préservation de l’environnement, Feux et brûlis ».



1. Journée de sensibilisation dans une école (1) / 2. Journée de sensibilisation communautaire / 3. Séance de sensibilisation à travers les arts plastiques (1) / 4. Journée de sensibilisation et reboisement avec une école (1) / 5. Plantation de Santal (Santalum album) au lycée agricole / 6. Journée de sensibilisation et reboisement communautaire / 7. Journée de sensibilisation et reboisement avec une école (2) / 8. Séance de sensibilisation à travers les arts plastiques (2)


VALORISATION & APPUI ECONOMIQUE

En 2019, 27,7 kg de vanille verte ont été récoltés et achetés et ont permis de produire 4,2 kg de vanille séchée. 4 698 kg de masse verte de Patchouli ont permis la distillation de 118 kg d’huile essentielle assemblés sous forme de communelle (assemblage de plusieurs lots d’une même huile essentielle, distillés séparément). 6 170 kg de Lemongrass récoltés ont permis la

production de 14 kg d’huile essentielle et 443 kg de Citronnelle de Java récoltés pour 2,4 kg d’huile essentielle produits. D’autres produits forestiers non ligneux sont récoltés en collecte sauvage, tels que du Gingembre des montagnes ou de la noix de muscade. La presse végétale a été reçue et les tests de production d’huiles végétales de sésame et de Moringa ont pu commencer. La société locale de commercialisation, appartenant à l’association, a également été est créée. Elle a pris le nom de « Nuantia » et la gamme locale pour nom de marque « Kekaya ». La gamme comporte actuellement 2 savons : Café / Lemongrass, et Patchouli/ Combava, une huile thérapeutique, une huile pour cheveux ainsi que des huiles essentielles en flacons (Patchouli, Lemongrass, Citronnelle de java, Combava et Gingembre des montagnes). La société a reçu l’autorisation d’exportation, permettant un envoi en France de 100 kg d’huile essentielle de Patchouli et 15 kg d’huile essentielle de Lemongrass. Cette dernière, a été distillée à partir de matière verte fraîche. Le rendement est moins important qu’avec de la matière sèche, mais le prix de vente au kg est lui plus important. L’audit phytosanitaires des autorités locales, (BPOM Ende), a été réalisé avec succès dans les unités de productions (Hangar de séchage, unité de distillation et laboratoire). Nous avons ainsi reçu l’autorisation d’étendre nos ventes aux communes alentours de Nginamanu, laissant entrevoir de belles perspectives pour le développement local. Le recrutement d’une seconde vendeuse en porte à porte nous permet de projeter une progression des ventes aux communes voisines et de développer les ventes sur les marchés. Au total la vente des produits issus des filières Coeur de Forêt / Puge Figo à Florès a permis la réalisation d’un chiffre d’affaires de 124 322 734 Rp soit 8 230 €.



1. Séchage de la vanille (Vanilla planifolia) / 2. Découpe des savons dans le laboratoire / 3. Essai de séchage de noix de muscade dans notre hangar dédié / 4. Vérification du séchage de la Vanille par le pépiniériste Aris WULI (2) / 5. Parcelle de Patchouli (Pogostemon cablin) / 6. Remplissage de la cuve de l’alambic avec du patchouli avant distillation / 7. Gamme de produits Kekaya / 8. Distillation de l’huile essentielle de Lemongrass /


Télécharger le rapport annuel en PDF (et découvrez des infos inédites non retranscrites dans l'article ) :



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