Pourquoi fait-il plus frais <span class="underline-path"
sous les arbres ?

L’air chaud estival se profile à l’horizon et la recherche de fraîcheur devient immédiate. Dans les forêts, les arbres, grâce à leur feuillage dense et soigneusement tissé, agissent comme un parasol naturel. Sous la canopée, la température est ainsi plus supportable, voire agréable.

Mais d’où provient cette fraîcheur ? Pourquoi fait-il plus frais sous les arbres ?  Le fonctionnement biologique des arbres en détient la clé.

Photo d'un arbre en forêt

Comment les arbres créent la fraîcheur en forêt ?

Les racines puisent l’eau dans les nappes phréatiques, plus fraîches que la surface du sol. Ensuite, les arbres transportent cette eau vers les feuilles et l’évacuent dans l’atmosphère par évaporation, produisant un effet de refroidissement.

Les arbres fonctionnent ainsi comme un énorme brumisateur, diffusant en permanence de micro-gouttelettes d’eau fraîche. Ce mécanisme explique pourquoi l’air du sous-bois paraît plus frais.

Le rôle du sol et de la couverture forestière

À l’intérieur de la forêt, le phénomène de fraîcheur est amplifié par deux éléments : le sol et la couverture forestière.

Le sol évapore de l’eau, et cette évaporation est complétée par celle produite par les arbres et la végétation du sous-bois. L’augmentation du taux d’humidité rend l’air plus frais, perceptible par tous lors des fortes chaleurs, avec la sensation d’avoir la gorge moins sèche en forêt.

Les arbres émettent de la vapeur d’eau par évapotranspiration [1], et une partie de cette vapeur reste piégée sous les houppiers [2], ce qui rend la température plus basse dans le sous-bois que sous le sommet de la canopée.

On peut comparer ce mécanisme à une maison : la fraîcheur se conserve selon la qualité et la quantité de l’isolant. En forêt, le feuillage des différentes strates forme cet isolant naturel.

L’ensemble de ces paramètres crée une ambiance particulière dans le sous-bois, appelée microclimat, sur une hauteur de quelques centimètres à quelques mètres au-dessus du sol. Le microclimat est influencé par la microtopographie [3], la présence d’eau (comme un lac ou un ruisseau à proximité) et la typologie de la végétation (hauteur des arbres, structuration verticale, essences forestières et recouvrement de la canopée).

Schéma du houpier et du tronc
Schéma de la température

Schéma : variations verticales de la température de l’air observées en mi-journée pendant une canicule, au-dessus et à l’intérieur de différents couverts végétaux. Plus le couvert est haut et dense, plus l’air du sous-bois est frais (Jérôme Ogée).

Des données scientifiques
pour confirmer le phénomène de fraîcheur

Des études récentes ont montré un phénomène étonnant : en forêt, la température baisse en journée de 2 à 4 °C en moyenne. Publiés dans Global Change Biology, ces travaux révèlent que les forêts créent de véritables microclimats capables de réduire significativement les variations thermiques. Pour comprendre précisément ce refroidissement naturel, une équipe composée du doctorant Stef Haesen, du professeur Koenraad van Meerbeek de l’Université de Louvain et de Jonathan Lenoir du CNRS a appliqué une méthodologie particulièrement rigoureuse.

Les chercheurs ont découpé la forêt en carrés de 25 x 25 m et installé 1 200 capteurs chargés d’enregistrer la température de chaque parcelle tout au long de l’année. Ce maillage fin leur a permis de dresser une cartographie détaillée des microclimats et d’observer comment la structure du couvert, la densité d’arbres ou la présence de zones partiellement ouvertes influencent localement les températures.

Ils ont ensuite comparé leurs mesures à celles de stations météorologiques situées en périphérie des massifs forestiers. Les résultats sont clairs : la température moyenne en forêt est inférieure de 2,1 °C. Dans certains secteurs, les écarts sont encore plus impressionnants, avec jusqu’à 10 °C de moins en été et 12 °C de moins en hiver lorsque la canopée est particulièrement fermée.

Les chercheurs ont aussi évalué l’impact du déboisement. Une réduction de 50 % du nombre d’arbres entraîne une hausse d’environ 1 °C. À l’inverse, doubler la densité d’arbres permet d’abaisser la température d’un degré supplémentaire, même durant les journées très ensoleillées. Ces résultats confirment le rôle essentiel des forêts dans la régulation thermique, et montrent à quel point la préservation des peuplements denses constitue un levier clé pour atténuer les effets du changement climatique.


L’importance du microclimat pour la biodiversité

Si nous voulons continuer à profiter de la fraîcheur que les forêts offrent, nous devons apporter des changements.

Le dérèglement climatique influence la composition des forêts. Pourtant, les modèles qui prédisent la répartition future des essences forestières s’appuient systématiquement sur des stations météo situées en dehors des forêts.

Par exemple, le hêtre (Fagus sylvatica), présent dans des régions comme l’ouest du Lot ou la Dordogne, est considéré comme une espèce en voie de disparition, car il nécessite une grande quantité d’eau pour survivre. Pourtant, dans des endroits inattendus, on peut observer de jeunes hêtres pousser à l’abri des châtaigniers. Ce phénomène peut surprendre, car nous pensions que le hêtre ne pouvait pas s’adapter à ces conditions. En réalité, il se régénère naturellement dans le sous-bois, où l’humidité de l’air favorise sa croissance.

Cette observation montre l’importance de préserver un continuum de la couverture forestière et de ses différentes strates. L’effet du microclimat forestier peut ainsi servir de micro-refuge et réduire le risque d’extinction pour certaines espèces, comme le hêtre dans le Lot.

Photo d'un arbre en forêt
Une chênaie châtaigneraie dans le Lot

Des études récentes menées dans différentes forêts d’Europe et d’Amérique du Nord ont montré que la gestion forestière influence fortement le microclimat et, par conséquent, la biodiversité.

Le réchauffement climatique favorise les espèces adaptées aux climats chauds, mais leur adaptation au nouveau climat reste souvent plus lente que le réchauffement global. Au cours des dernières décennies, les changements dans les communautés végétales du sous-bois ont été principalement liés à la densité de la végétation, plutôt qu’au climat lui-même.

Pour conserver nos espèces forestières locales et l’ensemble de la biodiversité, une gestion raisonnée des forêts, incluant la préservation des sous-bois, est essentielle.


[1]Quantité d’eau qui s’évapore par le sol, les nappes liquides et la transpiration des végétaux.
[2] Feuillage d’un arbre
[3] Topographie d’une zone restreinte

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