De la commercialisation de la vanille en passant par les secrets de la Gliricidia : que s’est-il passé ce dernier trimestre sur notre projet Puge Figo ?
Dans le plus grand archipel du monde, c’est sur l’île de Florès, et plus précisément dans le district de Ngada que nous intervenons depuis 2014. En ce mois de décembre, c’est au sein de ce paysage apaisant et regorgeant de biodiversité que nous vous proposons de parcourir les temps forts de l’ultime trimestre de l’année 2022.
Gliricidia : une plante qui lutte contre les feux.
Nom botanique : Gliricidia sepium Famille : Fabacées (légumineuse)
Dans la famille des plantes pare feu je voudrais la Gliricidia ! Cet arbre grand de 15 mètres, vêtu de feuilles vert pâle, mate sur le dessous et luisante sur le dessus, dévoile des fleurs roses au cœur jaune en saison sèche. À sa beauté, s’ajoute un atout majeur : sa résistance au feu. Au sein des modèles de plantation, elle permet la préservation de l’écosystème forestier dans un pays où la culture sur brûlis est encore bien ancrée. Cette plante a ainsi été introduite dans les années 1970, dans la région Ngadawa, dans le cadre de programme de reforestation de zones critiques sujettes aux feux et à l’érosion.
Mais comment peut-elle résister au feu ?
La jeune macro bouture de Gliricidia repousse rapidement en développant depuis sa base plusieurs branches, créant un buisson. Ce buisson ne cesse de croître, il étouffe le feu qui se propage et brûle totalement la strate basse. En continuant de croître malgré le passage régulier du feu, cette plante devient de plus en plus résistante tout en fleurissant et éparpillant ses graines au fil des années.
Depuis 2019, Cœur de Forêt utilise cette plante au cœur de ses expérimentations de lutte contre le feu. La première étape est de préparer le terrain et de réduire les feux en plantant densément la Gliricidia. Ensuite, seulement, nous introduisons d’autres essences pour diversifier les zones critiques et fertiliser les sols.
Depuis 2020, ce sont au total 275 000 plants de Gliricidia que nous avons planté sur 5 espaces « critiques » situés en amont des rizières de Nginamanu.
En décembre commence la saison des plantations 2022/2023. Pour cette saison, nous prévoyons de planter 111 975 plants de Gliricidia.
Création d’un herbier : à la découverte de la forêt indonésienne.
La connaissance du contexte sur nos différents projets est une condition sine qua non à leur réussite. Pour que nos actions soient cohérentes et aient un réel impact sur la préservation des forêts, nous réalisons ainsi des diagnostics forestiers.
À travers ces diagnostics nous étudions la forêt par le point de vue :
- Écologique : nous étudions la diversité végétale et la structure même de la forêt pour voir à quel type correspondent les différents espaces forestiers. - Ethnologique : nous étudions également les rapports qu’entretiennent les populations locales avec la forêt : leurs usages de la forêt et de ses produits, mais aussi leurs besoins et leurs connaissances de la forêt. Ainsi nous pouvons adapter notre stratégie d’action, mise en œuvre par notre antenne locale Cœur de Forêt, l’association Puge Figo.
Depuis 1 an, Germain Vital, volontaire de solidarité internationale en mission sur la réalisation d’un inventaire floristique au sein de notre équipe indonésienne, réalise des lectures de paysage pour approfondir notre connaissance de la région où nous intervenons.
Nous distinguons déjà 4 massifs forestiers différents dont des zones boisées reliques. Car elles se trouvent dans des zones creuses, ces forêts reliques sont à l’abri et n’ont probablement jamais été touchées par les feux de vallée. Nous avons aussi identifié des communautés dans lesquelles nous pourrons mener des cartographies participatives. Pour cela nous visiterons une dizaine de villageois par ethnies identifiées et récolteront le témoignage de leurs habitudes au sein de ce paysage, eux qui le parcours chaque jour et qui en sont les plus grands connaisseurs.
Depuis le début du mois, nous sommes ravis d’accueillir Rafi Mahesi au sein de l’équipe en Indonésie. Il vient prêter main forte à Germain pour la réalisation de ce diagnostic. Bienvenue à lui.
« Pour notre inventaire botanique sur la montagne Wolomeze, Rafi et moi suivons les traces des guides locaux. Les forêts tropicales sont des milieux où la vie s'exprime sans limite, défiant parfois les lois de la physique. Dans ce paradis vert et dense en vie, se déplacer devient un art, tout comme le maniement de la machette pour s’orienter en évitant le venin des serpents verts (Cryptelytrops insularis) et les épines des rotins (Calamus sp ).
La particularité de ces forêts comparées à nos forêts françaises tempérées, c’est qu’elles contiennent une forte diversité arboricole. Là où en France on trouverait quelques espèces sur une surface de 400m2, ici, nous pouvons en rencontrer une trentaine. Nos journées sont rythmées entre nommer les arbres qui nous entourent et mesurer leur circonférence.
Quand l’obscurité arrive, un festival de bruits et de chants s'offre à nous. Dormir en forêt tropicale est loin d'être calme. Elle n’en reste pas moins apaisante. Après avoir mangé les proies chassées par les guides, principalement de la civette palmiste (Paradoxurus hermaphroditus), puis écouté les légendes cosmiques et les histoires locales, je trouve rapidement le sommeil. Ainsi se termine ma journée. »
Une journée typique en forêt indonésienne par Germain Vital, Volontaire Cœur de Forêt en Indonésie.
Invitation à l'Ekologi Festival !
Ces 3 jours de festival, avec plus de 300 personnes, 22 stands et 11 animations demandent, tout
de même, d’avoir un article qui lui ait entièrement dédié.
Alors si vous souhaitez en connaître davantage sur cette danse traditionnelle qu’est le Sarakolo, revivre l’atmosphère engagée des débats écologiques, connaître le thème du concours de dessin ou prendre part à ce questionnement « Déforestation à qui la faute ? ». Pénétrez au cœur de l’Ekologi Festival, le tout premier festival écologique de l’île de Florès, organisé par Cœur de Forêt, ses équipes et partenaires dans l'article dédié.
De l'Indonésie au Japon : Nos gousses à l'international
Mesdames et messieurs, l’avion XYJ978 en provenance de Florès en Indonésie et à destination de Paris CDG a atterri le 07 novembre sur le sol français. Dans sa soute, nous trouvons 18kg de la vanille issue de la production équitable des producteurs que nous accompagnons sur le projet Cœur de Forêt en Indonésie.
Pour cette année 2022, ce sont au total 25,5 kg de vanille qui ont été commercialisés, avec une partie allant même jusqu’au Japon ! Quel est le parcours de cette vanille, pour arriver jusqu’à nos papilles ?
Découverte il y a 500 ans, la vanille a su conquérir le monde grâce son goût atypique et reconnaissable aux premières effluves. Cependant, cultivée trop intensivement, elle peut être néfaste pour l’environnement et les forêts. La vanille est un produit de rente précieux. C’est pourquoi les agriculteurs vont déforester massivement de vaste étendues pour la cultiver.
Sur l’île de Florès, en vous baladant au pied du majestueux volcan Ebulobo, nous trouvons les villages de Mulakoli et de Kelewae. Sur ces terres extrêmement fertiles, les habitants cultivent diverses espèces vivrières et de rentes, comme la girofle, le cacao, la muscade le café, mais aussi la précieuse vanille.
Explorons ensemble les problèmes liés à la culture de vanille ! Dans la région, on en retrouve deux principaux :
- le séchage qui se fait directement au soleil après la récolte, sans passer par les nombreuses étapes que demande une bonne vanille.
- les récoltes souvent trop précoces, qui donnent une vanille dont les arômes se révèlent peu en bouche, fade après séchage. La qualité est donc médiocre.
Depuis 2018, nous accompagnons 25 bénéficiaires au sein de notre programme de formation sur la production de vanille en agro-écologie. Notre objectif est de faire changer les pratiques des producteurs, notamment pour que la vanille soit récoltée à un stade de maturité optimal, entre 8 et 9 mois et non plus de manière trop précoce comme c’est généralement le cas entre 6 et 7 mois, parfois même 5 mois, après fécondation.
Cette récolte précoce n’est pas anodine, cet or vert est prisé, il représente une ressource économique de poids. Beaucoup de producteurs se font voler leur production directement sur pieds. Ils préfèrent alors une récolte prématurée et de moins bonne qualité, qui se vendra à moindre coût, plutôt que de perdre l’entièreté de leur récolte.
Pour lutter contre ce phénomène, nous achetons la vanille 15% plus chère que le prix du marché local, à condition que les paysans suivent notre programme de formation, en acceptant de ne pas utiliser d'intrants chimiques et en récoltant la vanille à maturité.
Pour cette année 2022, nous avons initié un regroupement des producteurs de vanille de notre zone d’intervention. Il sera ainsi plus facile pour notre équipe agronomie de travailler avec les producteurs que lorsqu’ils sont éparpillés sur de vastes étendues de forêt.
Pour unir les producteurs que nous accompagnons, nous avons créé un champ mère de vanille, qui nous sert de parcelle de formation et de démonstration en plus de nous fournir des lianes pour la multiplication des pieds de vanille. Grâce à l’appui de Cœur de Foret Indonésie, est né le groupement de producteurs et productrices « Papa Gege », qui signifie : « se rappeler mutuellement des bonnes choses ».
Mais alors comment goûter cette vanille issue de notre projet ?
Si vous vous vous baladez à Bali, vous pourrez la goûter en prenant une glace chez « Gusto Gelato ». Ou, si voyagez au Japon en allant à la rencontre de l’association « Hashimi ». Mais plus probablement, si vous passez dans la région de Caen, vous pourrez combler votre gourmandise en allant dans les restaurants « Au Pavillon » ou « Au contre sens ». . Que vous soyez à l’étranger ou en France, prenez le temps de vous arrêter si vous passez près d’un des clients de notre filière de vanille. Vous aurez la chance de goûter notre vanille respectueuse de l’humain et de l’environnement, sublimée par les talents culinaires de vos hôtes.
Le BPOM : Miroir, miroir quand allons-nous l’obtenir ?
BPOM nm : attestation administrée par l’autorité indonésienne permettant de commercialiser des produits cosmétiques sur le territoire indonésien.
Tout comme le SENASAG en Bolivie, l’obtention du BPOM donne du fil à retordre à notre équipe locale. Après 3 ans de va-et-vient administratifs, la lumière commence à scintiller au bout du tunnel. Nous sommes à l’avant dernière étape avant d’être enregistré comme « producteur et commerçant de produits cosmétiques. »
Au sein de l’entreprise Kekaya, que nous avons créée pour commercialiser les produits issus des filières que nous accompagnons, il est possible d’acheter des huiles essentielles de patchouli , de citronnelle, ou encore de clou de girofle ainsi que quelques savons.
Nous souhaitons élargir la gamme de produit issus du projet. En transformant les matières premières et en les commercialisant sans intermédiaires, les producteurs et productrices partenaires ne sont plus soumis.es aux méthodes des investisseurs. Ils et elles perçoivent ainsi une plus forte valeur ajoutée sur leurs productions.
C’est pourquoi l’obtention du BPOM permettrait de valoriser un plus grand nombre de produits de nos bénéficiaires et d'augmenter l’impact économique de notre projet auprès des populations locales.
Reforestation : à vos pelles, la saison des plantations est ouverte !
Notre mission sur le volet reforestation est de restaurer les écosystèmes forestiers et de lutter contre la culture sur brûlis dans la région de Nusa Tenggara Timu . Cette année nos prévisions sont d’intégrer 25 espèces différentes à nos modèles de plantation, pour un total de 54 924 arbres plantés d’ici à la fin mars.
L’Indonésie, est le projet sur lequel la culture sur brûlis est encore la plus largement utilisée par les agriculteurs. Ils défrichent de vastes étendues par les flammes et cette année n’a pas dérogé à la règle. Cependant nous avons pu observer un léger retard des feux cette année. Pour en connaître la cause, nous vous donnons rendez-vous dans le paragraphe suivant.
Une saison des pluies étonnante pour ne pas dire inquiétante !
Cette année, les feux ont du retard. Habituellement attendus en octobre ils ont été décalé suite à une saison sèche anormalement pluvieuse. Des conditions qui deviennent moins optimales pour brûler. Une aubaine me direz-vous ! Pas vraiment. Le recul des feux ne veut pas dire leur arrêt complet mais seulement un report.
L’arrivée tardive des feux provient d’une saison des pluies prématurée. Cela est dû à un phénomène appelé le « Tripple Dip » lié à El Nino. Il influence les conditions météorologiques et climatiques en Indonésie. Certaines régions connaissent une saison des pluies plus précoce et a pour effet d'augmenter les précipitations dans de nombreux endroits en Indonésie.
La pluie est un élément essentiel pour le bon déroulement de la production agricole. Le calendrier agricole est rythmé au millimètre : entre avril et octobre une saison sèche et entre novembre et mars une saison des pluies. Le noyau dur, de la saison des pluies, qui correspond lui à la saison de plantation, est de décembre à mars. Pour les agriculteurs ces 4 mois de travail intenses permettent de pérenniser leurs cultures pour l’année.
Ce dérèglement météorologique nécessite pour les paysans une préparation accélérée des parcelles agricoles. Il entraîne aussi des arrêts intempestifs de la pluie en pleine saison stoppant le travail des paysans et de fortes carences alimentaires au niveau de la population. Depuis 3 semaines, en pleine saison de plantation, il ne pleut plus sur notre zone d’intervention à Nginamanu. Comme il fait trop sec, les plants en sachets sont arrosés par les bénéficiaires en attendant la plantation. Nous prévoyons un budget spécial "arrosage par les bénéficiaires en attente de plantation" pour l’année à venir afin d’anticiper le renouvellement du phénomène. Notre objectif sera, surtout que les jeunes plants livrés ne meurent pas par manque d'eau.