Le geste de l’été : La récolte de bois : une activité saisonnière ?
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Le geste de l’été : La récolte de bois : une activité saisonnière ?

Dernière mise à jour : 4 janv.

Mathieu Lohezic, notre technicien forestier nous partage ses conseils avisés !


Photo d'une famille de bûcheron

Autrefois, le bois jouait un rôle essentiel dans notre vie quotidienne. Il était utilisé pour construire nos maisons, fabriquer des meubles, poser des parquets, créer des portes, nous réchauffer, et même comme manche à outil. Pour obtenir la qualité et la longévité des ouvrages, nous accordions une grande importance à la saisonnalité et à la date précise de l’abattage des arbres.

Les forestiers avaient la conscience accrue que le bois est un matériau vivant, ils ont acquis des connaissances et savoir-faire qui leur permettaient de pouvoir compter sur la durabilité des ouvrages qu’ils réalisaient, avec les arbres récoltés aux alentours de chez eux. L’idée était de faire du bois de qualité, du durable, car le travail du bois était physique et éprouvant. L’ère industrielle a chamboulé certaines traditions dont celle de la récolte du bois.


Bonne saison, bon bois !

« Ne coupe pas l’arbre en février parce que la sève commence à monter »


Nous entendons souvent parler de période « de la montée de sève » et de « la descente de sève ».

Il faut savoir que cette expression populaire ne rend pas précisément compte de l’anatomie et de la physiologie des végétaux.


En période de végétation (dit la période « en sève »), l’arbre se comporte comme une « pompe » dont son puissant moteur se situe dans ses parties vertes (feuilles).

La circulation des éléments s’effectue dans les tissus conducteurs des végétaux situés entre l’écorce et le cœur du tronc d’arbre :


Schéma du trajet de la sève à l'intérieur de l'arbre
Circuit de la sève d'un arbre

- Le flux de sève brut, (chargé d’eau à 99% et d’éléments nutritifs puisés du sol) par des racines et remonte jusqu’aux extrémités des branches et aux fleurs et fruits


- Le flux de sève élaboré, lui, est riche en glucides. Ces derniers résultent de la photosynthèse et sont principalement produits par les feuilles. Ces glucides sont nécessaires à toutes les parties de la plante : des fleurs présentent au sommet jusqu’aux racines.


Durant l’hiver, lors du « repos végétatif », ou de la « dormance hivernale », l’activité métabolique de l’arbre est réduite, la vie tourne au ralenti.

Ce que l’on nomme « montée de sève », à la sortie du « repos végétatif », correspond à la période printanière, du débourrement jusqu’à la fin de la formation de la pousse de l’année.


La sève circule donc à toute saison, et dans tous les sens ! Ce qui varie, c'est sa composition et sa quantité.


Les forestiers, en tant que fins observateurs, ont compris, que la sève exerce une influence sur l’utilisation du bois. Ainsi, il était plus avantageux de couper les bois durant la période de repos végétatif pour plusieurs raisons :


- Diminution du risque d’infection des bois par les champignons,

- Le bois stocké devient moins sensible aux attaques des parasites, comme les insectes xylophages. C’est ainsi que naît l’expression du bois qui ne « pique pas », c’est-à-dire qui ne peut pas se faire ronger par les bêtes.

- Le bois est moins nerveux, donc plus malléable, il ne « se jette pas », c'est-à-dire qu’il n’y a pas de tensions relâchées lors du sciage, quand la tension relâche, les pièces de bois se courbent.

Construction d'une charpente de bois de "brin" dans l'Aveyron

- Le bois une fois scié et mis en œuvre « travaille beaucoup moins ». Car, si l'écart de température est important et rapide entre le jour et la nuit, les matériaux vont très vite rétrécir et produire des craquements. Lorsque les bois sont coupés à la bonne période, la durabilité de celui-ci est bien meilleure.

- Le bois destiné au chauffage sèche plus vite, il ne goudronne pas, il n’y a pas de couche noirâtre qui se dépose sur les parois de son conduit d’évacuation. Et, nous obtenons un meilleur rendement calorifique. Les bûches de 20% d'humidité ont un pouvoir calorifique de 3,8 kWh par kg, soit entre 1500 et 2000 kWh par stère, alors qu’à 30% d’humidité le bois tombe à 3.3 kW·h !

- Les souches rejettent mieux,

- Moins de dégâts sur les arbres restant lors de l’exploitation.


Comme toute règle à son exception, seul le Tan, poudre grossière utilisée pour la transformation des peaux en cuirs, se coupe de préférence « en sève ». À cette période, son écorce se détache plus facilement. Ainsi, à l’époque, les tanneurs entraient en concurrence avec les charpentiers navals, qui eux, coupaient leurs bois « hors sève ».


« L'abattage hivernal est la tradition dominante pendant des siècles, et a même été entérinée : en France, par l'ordonnance de 1669 rédigée sous l’impulsion de Colbert, qui durera jusqu'à la Révolution française, loi abrogée en 1808. »


Bonne Lune, Bon Bois !


« À la lune nouvelle, bois coupé va mieux sécher »


Les conditions de coupe de bois en période hivernale se conjuguent aux effets de la Lune.

Aujourd’hui encore, un grand nombre de scieurs est attentif au calendrier lunaire.

Les travaux d’abattage peuvent reprendre dès la fin du mois d’aout, à partir de la « vieille Lune d’août ». La vieille Lune désigne la Lune décroissante, quelques jours avant la nouvelle Lune.


L’expérience démontre qu’un bois coupé à la « vieille Lune » est un bois qui se conserve mieux, il détient moins de tensions lors du sciage, et sèche mieux. Cette période lunaire correspond au moment où la sève exerce le moins de pression dans les cellules.


A vue d’œil, cette période peut paraître surprenante, car les arbres sont toujours en feuille, mais c’est à l’intérieur que ça se passe. La sève change de fonction, le monde du végétal va commencer à préparer la période de dormance en faisant ses stocks, la période de croissance est terminée.

Cette période est idéale pour la coupe, car les terrains sont portants, grâce au sol sec de fin d’été.

Les influences des engins de débardage sur leur sol seront moindres, voire insignifiantes. Parce que nous préservons les sols, nous évitons le tassement, et ne risquons pas de laisser des traces de roues des engins.


Les arbres de qualités exceptionnels, utilisés à des fins plus nobles, devraient être exploités d’octobre à février, durant la lune descendante (attention, différente période que la lune décroissante, qui est plus tôt). Le forestier devrait attendre la période du repos végétatif, et ainsi, conjuguer avec la bonne lune, il mettrait toutes les chances de son côté pour choyer la précieuse ressource.


Bon choix, bon bois, belle forêt !


Comme tout bon sylviculteur et amoureux de la forêt, la récolte d’un arbre doit être une affaire de choix : la période tout comme la raison de la récolte sont des choix très importants.

La décision de couper tel ou tel arbre au sein d’un peuplement doit être un acte réfléchi. La motivation première doit être d’œuvrer pour l’équilibre du peuplement forestier et non pour des raisons uniquement économiques.


Arbre désigné pour être récolté
Travaux d'exploitation en sélectif du chêne en Aveyron

Le forestier doit justifier son « coup de marteau », c’est-à-dire justifier l’arbre qu’il désigne pour être abattu en fonction de nombreux critères : l’amélioration des arbres restants, le renouvellement du peuplement, l’état sanitaire, la recherche de diversité des essences, les contraintes d’exploitation, et enfin le critère économique.

De nos jours, les métiers ont évolué, les entreprises de travaux forestiers travaillent toute l’année. Car le travail saisonnier ne permet pas de couvrir les lourds investissements, mais aussi parce que les traditions ancestrales sont bafouées. Les nouvelles techniques comme le lamellé/collé en charpente permettent de passer outre les contraintes de tension des fibres. Pourtant, ces méthodes sont souvent plus énergivores à mettre en œuvre, et demande des traitements en fongicides ou autres insecticides.


Nous avons la chance dans le Lot (46) et les départements voisins d’avoir encore un tissu, certes fragile, de scierie « familiales », qui perpétue ce savoir « bien-faire », comme Au Coin des Scieurs. Nous avons pour ambition de soutenir tous ces acteurs locaux qui œuvrent jusqu’à lors à faire une forêt vivante et humaine.


Portrait de Jérémie Mochel en train de scier dans la scierie Au Coins des Scieurs

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