Le regard de l'Ă©té : Pourquoi fait-il plus frais en forĂȘt ?
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Le regard de l'Ă©té : Pourquoi fait-il plus frais en forĂȘt ?

DerniĂšre mise Ă  jour : 5 janv.

Frantz VeillĂ©, notre technicien forestier, nous partage son Ɠil d’expert.


L’air chaud estival se profile Ă  l’horizon, que dĂ©jĂ , nous commençons Ă  chercher un peu de fraĂźcheur. Les arbres, grĂące Ă  leur feuillage dense, tissĂ© avec soin, agissent comme un parasol naturel. Et ainsi, sous la canopĂ©e, la tempĂ©rature devient plus supportable, voire agrĂ©able.

Mais d'oĂč provient cette agrĂ©able fraĂźcheur ? Quel est le mĂ©canisme qui la maintient ?

C’est en comprenant le fonctionnement biologique des arbres que se trouve la clĂ© de ce phĂ©nomĂšne rafraĂźchissant.


Les arbres puisent de l’eau dans les nappes phrĂ©atiques qui sont toujours plus fraĂźches par rapport Ă  la surface de la terre. Cette eau fraĂźche est ensuite transportĂ©e par le tronc vers les feuilles qui, par l’effet d’évaporation, Ă©mettent cette fraĂźcheur dans l’atmosphĂšre.

Il faut imager l’ensemble des arbres comme un Ă©norme brumisateur qui diffuse en permanence de micro-gouttelettes de vapeur d’eau fraĂźche.


À l’intĂ©rieur de la forĂȘt, le phĂ©nomĂšne de fraĂźcheur est amplifiĂ© par deux autres Ă©lĂ©ments : le sol et la couverture forestiĂšre :

Schéma d'un arbre avec un flÚche qui montre le houpier, la partie supérieure de l'arbre et le tronc

- L’évaporation du sol qui complĂ©tĂ©e par celle rejetĂ©e par les arbres et par la vĂ©gĂ©tation du sous-bois. Le taux d’humiditĂ© devient plus important, d'oĂč la fraĂźcheur. Ce ressenti est palpable par tout un chacun lors des forts coups de chaleur. Comme cette sensation d’avoir la gorge moins sĂšche lorsque que nous sommes en forĂȘt.


- L’effet couvercle de la forĂȘt.

Une partie de la vapeur d’eau Ă©mise par l’évapotranspiration* des arbres est piĂ©gĂ©e sous les houppiers*. De fait, la tempĂ©rature est plus fraiche dans le sous-bois plutĂŽt qu’au sommet de la canopĂ©e.

Nous pouvons faire le parallĂšle avec une maison, oĂč la fraĂźcheur est plus ou moins conservĂ©e en fonction de la qualitĂ© et la quantitĂ© de l’isolant. C’est la mĂȘme chose en forĂȘt avec le feuillage des diffĂ©rentes strates qui forme l’isolant.


Cet ensemble de paramĂštres va former cette ambiance si particuliĂšre dans le sous-bois, appelĂ© microclimat, sur une hauteur de quelques centimĂštres Ă  quelques mĂštres au-dessus du sol. Le microclimat sera influencĂ© par la microtopographie* : la prĂ©sence d’eau (comme un lac ou un ruisseau Ă  proximitĂ©) et la typologie de la vĂ©gĂ©tation (la hauteur des arbres, la structuration verticale, les essences forestiĂšres et le recouvrement de la canopĂ©e
).


SchĂ©ma des variations verticales de la tempĂ©rature de l’air typiquement observĂ©es en mi-journĂ©e pendant une canicule, au-dessus et Ă  l’intĂ©rieur de divers couverts vĂ©gĂ©taux de taille et densitĂ© diffĂ©rentes. Plus le couvert est haut et dense, plus l’air du sous-bois est frais. Par JĂ©rĂŽme OgĂ©e.
Variations verticales de la tempĂ©rature de l’air typiquement observĂ©es en mi-journĂ©e pendant une canicule, au-dessus et Ă  l’intĂ©rieur de divers couverts vĂ©gĂ©taux de taille et densitĂ© diffĂ©rentes. Plus le couvert est haut et dense, plus l’air du sous-bois est frais. JĂ©rĂŽme OgĂ©e.

Des études récentes ont révélé quelque chose d'étonnant :

En forĂȘt, la tempĂ©rature en journĂ©e diminue de 2 Ă  4 degrĂ©s Celsius en moyenne. Des chercheurs ont menĂ© des recherches passionnantes sur ce sujet, publiĂ©es dans la revue scientifique Global Change Biology.

La prĂ©cision de la mĂ©thodologie utilisĂ©e par le doctorant Stef Haesen, par le professeur Koenraad van Meerbeek de l'UniversitĂ© de Louvain et par Jonathan Lenoir du CNRS, Ă  savoir le dĂ©coupage de la forĂȘt en carrĂ©s de 25x25 mĂštres et l'installation de 1 200 capteurs, a permis de dĂ©terminer une cartographie dĂ©taillĂ©e. Ainsi, ils ont recueilli des donnĂ©es sur les "microclimats" de chaque carrĂ©, en enregistrant les tempĂ©ratures tout au long de l'annĂ©e.


Les mesures obtenues ont Ă©tĂ© ensuite comparĂ©es Ă  celles des stations mĂ©tĂ©orologiques traditionnelles situĂ©es Ă  proximitĂ©, mais en dehors des forĂȘts. Les rĂ©sultats sont surprenants : en moyenne, les tempĂ©ratures en forĂȘt sont infĂ©rieures de 2,1 degrĂ©s Celsius. Mais, les Ă©carts peuvent ĂȘtre bien plus importants, atteignant jusqu'Ă  10 degrĂ©s de moins par endroits en Ă©tĂ© et jusqu'Ă  12 degrĂ©s de moins en hiver.

En parallĂšle de ces rĂ©sultats, les chercheurs ont Ă©galement comparĂ© des zones partiellement dĂ©boisĂ©es avec des zones d’une densitĂ© double. Ils ont dĂ©couvert qu'avec 50% d’arbres en moins, la tempĂ©rature Ă©tait de 1 degrĂ© plus Ă©levĂ©. A contrario, dans les zones dans lesquelles la quantitĂ© d'arbres est double, la tempĂ©rature Ă©tait de 1 degrĂ© plus frais en journĂ©e, mĂȘme durant les jours ensoleillĂ©es. Ces dĂ©couvertes montrent Ă  quel point les arbres jouent un rĂŽle important dans la rĂ©gulation du climat. Leur prĂ©sence en forĂȘt crĂ©e une sorte de "climat frais", plus supportable, mĂȘme lors des journĂ©es chaudes de l'Ă©tĂ©.

Une chĂȘnaie chĂątaigneraie dans le Lot
Une chĂȘnaie chĂątaigneraie dans le Lot

Si nous souhaitons continuer Ă  profiter de la fraicheur du microclimat qu’offre les forĂȘts, des changements sont nĂ©cessaires.

En effet, le dĂ©rĂšglement climatique a des effets sur la composition des forĂȘts. Pourtant, le modĂšle de prĂ©diction des futures aires de rĂ©partition des essences forestiĂšres se basent systĂ©matiquement sur les stations mĂ©tĂ©os qui sont placĂ©es en dehors de forĂȘt.

Par exemple, le hĂȘtre (Fagus sylvatica), prĂ©sent dans les rĂ©gions comme l’ouest du Lot ou la Dordogne, est considĂ©rĂ© comme une espĂšce en voie de disparition, car ils ont besoin d'une grande quantitĂ© d'eau pour survivre. A contrario, dans les endroits oĂč l'on s'y attend le moins, on peut observer de jeunes hĂȘtres pousser Ă  l'abri des chĂątaigniers. Cela peut sembler Ă©trange parce que nous pensions que le hĂȘtre ne pouvait pas s'adapter dans ces conditions. En rĂ©alitĂ©, il parvient Ă  se rĂ©gĂ©nĂ©rer naturellement dans le sous-bois, oĂč l'humiditĂ© de l'air est favorable Ă  sa croissance. Ce constat permet par une simple observation de comprendre tout l’intĂ©rĂȘt de prĂ©server un continuum de la couverture forestiĂšre et de ces diffĂ©rentes strates. On peut donc penser que l’effet du microclimat forestier servira de micro-refuge et permettra de diminuer le taux d’extinctions de certaines espĂšces sous-jacentes de nos forĂȘts comme le hĂȘtre dans le Lot.

Ce constat est corroborĂ© par des Ă©tudes rĂ©centes menĂ©es dans diffĂ©rentes forĂȘts d'Europe et d'AmĂ©rique du Nord qui ont dĂ©montrĂ© :

  • Que la gestion forestiĂšre avait un impact significatif sur le microclimat et, par consĂ©quent, sur la biodiversitĂ©. En raison du rĂ©chauffement climatique, les espĂšces prĂ©fĂ©rant les climats chauds sont favorisĂ©s, mais curieusement, l'adaptation au nouveau climat est souvent plus lente que le rĂ©chauffement global.

  • Que les changements dans les communautĂ©s vĂ©gĂ©tales du sous-bois au cours des derniĂšres dĂ©cennies Ă©taient principalement liĂ©s Ă  des variations dans la densitĂ© de la vĂ©gĂ©tation, plutĂŽt qu'au climat lui-mĂȘme.

Une gestion plus raisonnĂ©e de nos forĂȘts, en prĂ©servant notamment les sous-bois, est essentielle pour la conservation de nos espĂšces forestiĂšres locales, mais aussi de toute la biodiversitĂ© qu’il l'entoure.

Sous l’ombrage des arbres, nous vous souhaitons un bon Ă©tĂ© bien frais.


* Quantité d'eau qui s'évapore par le sol, les nappes liquides et la transpiration des végétaux.

* Feuillage d’un arbre

* Topographie d'une zone restreinte

* L’augmentation du nombre d’espĂšces prĂ©fĂ©rant les climats chauds ou la diminution d’espĂšces prĂ©fĂ©rant les climats plus doux voir froids


Pour approfondir le sujet, voici quelques références bibliographiques :

- Forest micorclimate dynamics drive plants responses to warmaing, Floriant Zellweger, Peter De Frenne, Jonathan Lenoir et al., Science , PubliĂ© en ligne le 15 mai 2020 ,DOI : 10.1126/science.aba6880 - Global buffering of tempĂ©ratures under forest canopies, Pieter De Frenne,Floriant Zellweger, Francisco Rodriguez-Sanchez, Brett Scheffers
.Nature Ecology & Evolution , PubliĂ© en ligne le 1er avril 2019, DOI : 10.1038/s41559-019-0842-1


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