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Photo du rédacteurTiphanie

Partie 2 - Les arbres vus de l’intérieur : Migration et Adaptation

Dernière mise à jour : 1 juil.

Dans la première partie de l’article « Les arbres vus de l’intérieur », nous avons exploré l’anatomie et la nutrition des arbres.

Forts de connaissances partagées par Hyacinthe, nous voulons comprendre comment ce fonctionnement interne permet aux arbres de s'adapter aux dérèglements climatiques.

Observons-nous déjà des signes visibles de cette adaptation ? Les comportements actuels des arbres face à divers phénomènes climatiques sont-ils les prémices de changements plus profonds ? Les plantes disposent-elles des ressources nécessaires pour affronter les modifications de leur environnement ?

Thierry, notre technicien forestier, du projet Cœur de Forêt France Sud-Ouest, nous entraîne au cœur de ces questionnements.


L’histoire de la traversée des essences


Photo d'un robiniet faux accacia qui est arrivé d'Améérique du Nord au début du XVème siècle

Au cours des siècles, les humains ont voulu récolter et transporter des plantes venues du monde entier pour diverses raisons. Dans les bateaux se mélangeaient des plantes nourricières, des plantes médicinales et des plantes ornementales.

Les Romains, durant leur conquête de territoires, rapportaient des graines, des bulbes, des portions de rameaux, et même des plantes entières. Les grandes explorations du XVᵉ au XVIIIᵉ siècle ont révélé la diversité floristique de la planète. Toutes ces plantes ont été transportées par voie maritime, pour être cultivées loin de leur lieu d’origine.


Il a parfois fallu acclimater ces plantes à ces nouveaux territoires, ce qui n’était pas toujours aisé, dans des contrées aux conditions climatiques contraignantes. Malgré leurs capacités d’adaptation, résultant d’une "plasticité phénotypique", c'est-à-dire la capacité de ces plantes à s’adapter aux variations de leur environnement, des changements étaient observés avec ces nouvelles conditions de vie. Ces changements étaient à la fois morphologiques et saisonniers, affectant divers événements rythmiques de la vie des plantes : période de floraison, de débourrement, de reproduction, durée de vie.


Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’acclimater des plantes exotiques. Il faut s’interroger sur la manière dont les plantes indigènes vont affronter les dérèglements climatiques et les nouveaux facteurs abiotiques[1]. Cela inclut des futures périodes de sécheresse, des chaleurs intenses plus fréquentes, une intensité lumineuse élevée, l’augmentation du taux de dioxyde de carbone atmosphérique (et autres gaz à effet de serre), ainsi que des conditions pédologiques altérées.


Quand nous, êtres humains, prenons le temps de débattre et repenser nos modes de vie, la nature, semble souffrir. Les forêts et les plantes, luttent pour gérer ce stress climatique. Elles en sont affectées dans leur croissance et leur développement.

 

« Il n’y a plus de saison » : et ce même en forêt


La vie des plantes est rythmée par des phénomènes périodiques appelés : la phénologie. Ces phénomènes réapparaissent chaque année à des périodes ciblés. Aujourd’hui, l’ampleur et la vitesse des changements climatiques impactent très sérieusement l’ensemble des phénomènes et leur périodicité. Par exemple, en France, la date des vendanges semble s’être avancée de près de 18 jours depuis les années 1960.


Pourquoi les vendanges avancent-elles ?


Les observations empiriques et les études scientifiques ont permis de connaître les besoins des plantes et leurs réactions à des modifications de leur environnement. Aujourd’hui, nous connaissons le rôle du dioxyde carbone atmosphérique sur la croissance des plantes. Une augmentation de CO2 atmosphérique favorise l’accroissement de la surface foliaire, stimule la ramification, augmente chez certaines plantes une photosynthèse plus conséquente.

Toutefois, ces éléments abiotiques ne peuvent pas être considérés de façon isolée. Ils interagissent, de la même manière que les plantes interagissent avec la biocénose[2].


La température, un rôle capital dans le développement des plantes.


La température, elle aussi, est un élément essentiel dans le développement des plantes. Elle intervient dans les réactions biochimiques des cellules et l’activité des enzymes. En France, en général, l’état le plus favorable de croissance d’une plante, se trouve entre 20 et 25 degrés : c’est ce qu’on appelle l’optimum.


Quand l’augmentation de la température devient défavorable pour la plante : c’est un stress thermique. Ce stress va dépendre de l’intensité, de la durée et de la vitesse de cette augmentation, de l’espèce végétale et de son stade de développement. Par exemple, en France, les plantes ne pousseront pas en dessous de 10 degrés et au-delà de 30 degrés.

Schéma explicatif de l'optimum

À noter que, l'augmentation du CO2 atmosphérique pendant des périodes de sécheresse ou de fortes températures n'a plus d'effet sur la croissance des plantes.


Or, le passage d'une phase de dormance à une phase active de croissance des plantes est partiellement influencé par les variations de température. Cependant, avec les changements climatiques significatifs, la phénologie des plantes est perturbée, entraînant des changements dans la temporalité de leurs cycles de vie. Avec, par exemple, un réveil plus précoce des plantes, ce pourquoi les vendanges commencent plus tôt. 


Comment réagissent les plantes face à tout ce stress ?


Les températures et les quantités d'eau anormales induisent un stress chez la plante. Face à ce stress, la plante met en place différents mécanismes pour s’accommoder à cette situation défavorable.

Lors d'une canicule, les arbres réduisent leurs échanges gazeux entre les feuilles et l'atmosphère pour éviter une perte excessive d'eau, en fermant leurs stomates, les petits pores sur leurs feuilles. Si la canicule persiste, cette réduction peut devenir si extrême que l'arbre commence à perdre ses feuilles. C’est une mesure de survie pour minimiser la perte d'eau. Cependant, cette chute des feuilles se produit souvent pendant la phase de croissance de l'arbre. Un problème, car les feuilles sont essentielles à la photosynthèse. En perdant ses feuilles durant cette période cruciale, la croissance de l'arbre est interrompue, ce qui peut l'affaiblir et affecter son développement futur.


D’autres phénomènes, plus étonnants, sont observés. La sécheresse estivale et le stress hydrique peuvent générer une seconde feuillaison de la fin de l’été au début de l’hiver. En 2022, la sécheresse a gravement affecté les arbres dans certaines régions. En septembre, les arbres ont perdu leurs feuilles roussies par la chaleur d'août. Cependant, avec des conditions plus favorables durant l'automne, on a observé une seconde feuillaison chez différentes espèces d'arbres, atteignant parfois 75 % du volume de leur feuillage de printemps. Cette croissance supplémentaire entraîne une consommation d'énergie accrue pour la plante, réduisant la période de repos végétatif et impactant le développement futur des plantes.


Tous ces phénomènes seraient-ils les prémisses d’une adaptation ou d’une réaction de survie ?


Avec une période de végétation plus longue, les plantes accumulent moins de ressources et d’énergie nécessaires à leur développement. En particulier au développement de l’appareil reproducteur. Un hiver rude donnera des fleurs qualitatives, tandis qu’un printemps trop précoce et un hiver trop doux ne déclencheront pas la vernalisation, c'est-à-dire l’aptitude à fleurir grâce à une période de froid.


Les floraisons se décalent et la vie animale sauvage est bousculée


photo de floraison

Les espèces animales sont, elles aussi, affectées par ces bouleversements climatiques. Leur cycle de dormance, de reproduction et de migration, peuvent être altérés. Ces périodes de décalage ne sont pas les mêmes que chez les plantes. Il y a une désynchronisation entre les différents organismes vivants :  que l’on appelle le décalage phénologique. Cette année 2024, la floraison de beaucoup d’arbres, comme le robinier faux-acacia, ont fleuri de manière précoce. Les insectes pollinisateurs encore endormis durant la floraison sont perdus. Car à leur réveil, la plupart des floraisons sont terminées, comment vont-ils récolter le nectar ? La pollinisation, est retardée et moindre.


C’est à la fois la survie des plantes et des animaux qui est menacée.


Les plantes réagissent ponctuellement à des modifications de leur environnement, parce qu'elles sont capables de s’adapter à des conditions contraignantes. Toutefois, la problématique émane de la rapidité et l’intensité, à devoir s’adapter. Ces facteurs permettront-ils aux plantes et aux écosystèmes de faire front dans un premier temps et de s’adapter ensuite ? De nouveaux comportements sont observés. Il est probablement trop tôt pour dire s’il s’agit d’une accommodation ou le début d’une adaptation.


Certaines espèces, davantage opportunistes, moins exigeantes, pourront peut-être s'adapter. D'autres migreront vers de nouveaux territoires. Localement, des espèces disparaîtront à jamais, et d’autres les remplaceront. À nous de maintenir cet équilibre.


Nous encourageons chacun à se joindre à nous et à soutenir la forêt française en parrainant un arbre. Ensemble, nous pouvons faire la différence et œuvrer pour un avenir où l'humain et la forêt coexistent en harmonie.

 

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[1] Abiotiques : Toutes les conditions qui ne sont pas vivantes, par exemple un rocher est une entité abiotique.

[2] Biocénose : Ensemble des êtres vivants d'un biotope, d'un milieu donné.

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