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PARTIE 1 : Anatomie et nutrition des arbres

Les arbres que nos grands-parents contemplaient ne sont plus les mêmes que ceux décris à nos enfants. Nos aïeux n’avaient pas les outils nécessaires pour connaître ces êtres majestueux. La science et l’observation fine ont bouleversé notre compréhension de leur fonctionnement. Aujourd’hui, nous plongeons dans la vie intérieure des arbres. Guidés par nos deux experts forestiers du projet Cœur de Forêt Sud-Ouest : Hyacinthe et Thierry.

Hyacinthe, formée à nos côtés, nous montre l’importance de comprendre les rouages des arbres : leur anatomie et leur nutrition. Thierry, après avoir exploré les techniques de débroussaillage, capte notre attention sur les processus d’adaptation des arbres face aux dérèglements climatiques.

Ensemble, ils vont faire de vous des experts de la vie cachée des arbres.

D’après le chercheur en écologie forestière Jacques Tassin : « Au cours de l’évolution, les arbres ont suivi leur propre histoire de manière parallèle à la nôtre. C’est un monde différent, tout aussi riche, mais incomparable. Les arbres nous offrent un exemple d’altérité absolue. » Ensemble, découvrons ce monde où vivent les arbres au fil des saisons. Plongeons au cœur de leurs structures et de leurs métabolismes, ensemble des réactions chimiques internes, invisibles à nos yeux, mais qui font de l’arbre et du végétal des êtres vivants fascinants. 

CONNAISSEZ-VOUS L'anatomie DES ARBRES

L’arbre est divisé en trois parties. Chacune d’entre elles, joue un rôle essentiel dans son fonctionnement.
Schéma de l'anatomie d'un arbre

Les racines, la connexion avec
notre atmosphère

Souvent cachées, les racines se composent le plus souvent de deux parties distinctes :

  • Le pivot constitue la racine principale et s’enfonce verticalement dans le sol pour assurer l’ancrage de l’arbre.

  • Les racines latérales explorent les couches de sol situées à leur portée afin d’en extraire un maximum de ressources.

Au bout de chacune de ces racines, les radicelles se développent : ce sont de petites racines qui absorbent l’eau et les éléments minéraux présents dans le sol. Pour remplir cette mission, les radicelles s’appuient sur la partie chevelue et sur les mycorhizes, zones des racines où l’arbre collabore finement avec les filaments des champignons du sol.

Schéma de l'intérieur du tronc

Comment les arbres se nourrissent-ils ?

Au centre du tronc, le duramen constitue le “bois de cœur”, la partie la plus dense du bois. Il soutient l’arbre et lui assure sa solidité.

Collé au duramen, l’aubier forme le système conducteur de la nourriture, également appelé sève brute. Cette sève brute contient des sels nutritifs dissous dans l’eau, prélevés dans le sol par les racines. Le xylème, un ensemble de vaisseaux conducteurs, transporte cette sève brute vers le haut de l’arbre.

Le cambium suit : ce tissu végétal marque la limite entre le bois et l’écorce et assure la croissance de l’arbre.

Sous l’écorce, le liber contient le bois fraîchement formé ainsi que le phloème, les vaisseaux qui transportent la sève élaborée. Celle-ci circule du haut vers le bas de l’arbre et transporte le glucose, les sucres produits par la photosynthèse dans les feuilles.

Enfin, l’écorce protège l’arbre contre les attaques biologiques, le gel, le dessèchement et les blessures. Elle reste imperméable tout en permettant les échanges gazeux nécessaires à la respiration des cellules des couches vivantes du tronc.

Après ce long trajet, les sels minéraux et l’eau absorbés par les racines rejoignent la couronne, ou houppier, c’est-à-dire la partie de l’arbre située entre la première branche et la cime.

Comment les arbres se nourrissent-ils ?

Selon les saisons, le végétal réagit différemment. La température et la durée du jour influencent fortement son activité. Au retour des beaux jours, l’arbre relance sa “machine intérieure” et reprend sa croissance.

Comment réagit le métabolisme de l’arbre ?

 Au retour du printemps, les feuilles et les fleurs sortent de leur dormance après avoir passé plusieurs nuits à des températures supérieures au point de gel. L’arbre utilise les réserves stockées dans son bois pour permettre ce développement. Quand la sève brute remonte, l’eau se mélange aux sucres stockés et nourrit les bourgeons.

Schéma de la nutrition des arbres

D’où vient cette eau ?  Comment va t-elle jusqu’aux feuilles ?

Au même moment que les feuilles apparaissent, de nouvelles racines poussent sous terre, notamment les radicelles et la partie chevelue. Les racines, fortement concentrées en sels, attirent l’eau environnante par osmose. L’eau s’y accumule, créant une pression dans le système racinaire et poussant la sève brute vers le haut de l’arbre. Deux autres phénomènes aident également la sève à monter :

  • La capillarité, qui permet à l’eau de progresser dans le xylème.

  • L’évapotranspiration, qui se produit dans les feuilles. Une partie de la sève brute se transforme en vapeur sous l’effet de la chaleur, créant une pompe qui aspire le liquide des racines vers le haut.

Avant d’expliquer le rôle des feuilles, rappelons un autre acteur qui facilite l’entrée de l’eau et des sels minéraux dans les racines : la mycorhize, une association symbiotique entre un champignon et l’arbre. Le champignon prélève les nutriments inaccessibles à l’arbre, et en échange, l’arbre produit le glucose dont le champignon a besoin.

Schéma de la cellule végétale chlorophyllienne

Comment ce glucose est-il produit ?

La feuille joue un rôle essentiel pour la survie de l’arbre : elle produit sa nourriture grâce à la photosynthèse.

La photosynthèse se déroule dans le vert de la feuille, la chlorophylle, qui capte la lumière du soleil et la stocke dans le chloroplaste, l’« usine » où les sucres se fabriquent. Grâce à cette lumière, le dioxyde de carbone (CO₂) de l’air et l’eau absorbée par les racines se transforment en glucose et en dioxygène (O₂). Ce mécanisme reste vital pour tous les êtres vivants qui respirent. L’O₂, produit secondaire, est filtré et rejeté massivement dans l’air. Le glucose circule ensuite dans le phloème pour nourrir les cellules et permettre la croissance de l’arbre, constituant ainsi sa source d’énergie principale.

À la fin de l’été, les températures commencent à se rafraîchir et l’arbre se prépare à hiberner. Durant cette période, il entre en phase de « dormance » : son métabolisme ralentit et se concentre sur le tronc et les racines. La production de glucose cesse, car la durée du jour diminue et l’eau ne monte plus. Les cellules des feuilles meurent, et les feuilles tombent. Le tronc, quant à lui, agit comme un excellent isolant contre le gel.

Lorsque les sols gèlent, les racines ne peuvent plus puiser l’eau. Le gel menace également l’arbre, car il peut former des bulles d’air dans sa « tuyauterie », provoquant des déchirures des tissus. Pour se protéger, les conifères produisent une couche de cire sur leurs aiguilles, tandis que les feuillus mélangent certains de leurs sucres avec de l’eau pour abaisser le point de congélation.

Puis, les beaux jours reviennent, et le cycle de vie de l’arbre reprend.

Après avoir exploré en détail l’anatomie et le fonctionnement interne des arbres, tournons-nous vers leur réaction face aux dérèglements environnementaux. Bien qu’ancrés dans un lieu fixe, les arbres montrent une remarquable capacité d’adaptation aux variations climatiques. Ils parviennent à survivre et à prospérer malgré des conditions changeantes, démontrant toute la complexité et la résilience de ces êtres vivants.

Partie 2 : Migration et Adaptation des arbres

Dans la première partie de l’article, nous avons exploré l’anatomie et la nutrition des arbres. Forts des connaissances partagées par Hyacinthe, nous voulons maintenant comprendre comment leur fonctionnement interne leur permet de s’adapter aux dérèglements climatiques.

Observons-nous déjà des signes visibles de cette adaptation ? Les arbres montrent-ils, face à divers phénomènes climatiques, les prémices de changements plus profonds ? Disposent-ils des ressources nécessaires pour affronter les modifications de leur environnement ?

Thierry, notre technicien forestier du projet Cœur de Forêt France Sud-Ouest, nous guide au cœur de ces questionnements et nous invite à observer les arbres dans leur capacité à réagir et à s’adapter.

Photo d'un faux acacia

L’histoire de la traversée des essences ce glucose

Au fil des siècles, les humains ont récolté et transporté des plantes venues du monde entier pour diverses raisons. Ils mélangeaient dans les bateaux des plantes nourricières, médicinales et ornementales.

Pendant leurs conquêtes, les Romains rapportaient des graines, des bulbes, des portions de rameaux et même des plantes entières. Aux grandes explorations du XVe au XVIIIe siècle, les explorateurs ont découvert la diversité floristique de la planète. Ils ont transporté toutes ces plantes par voie maritime pour les cultiver loin de leur lieu d’origine.

Il a parfois fallu acclimater ces plantes à ces nouveaux territoires, ce qui n’était pas toujours aisé, dans des contrées aux conditions climatiques contraignantes. Malgré leurs capacités d’adaptation, résultant d’une « plasticité phénotypique », c’est-à-dire la capacité de ces plantes à s’adapter aux variations de leur environnement, des changements étaient observés avec ces nouvelles conditions de vie. Ces changements étaient à la fois morphologiques et saisonniers, affectant divers événements rythmiques de la vie des plantes : période de floraison, de débourrement, de reproduction, durée de vie.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’acclimater des plantes exotiques. Il faut s’interroger sur la manière dont les plantes indigènes vont affronter les dérèglements climatiques et les nouveaux facteurs abiotiques[1]. Cela inclut des futures périodes de sécheresse, des chaleurs intenses plus fréquentes, une intensité lumineuse élevée, l’augmentation du taux de dioxyde de carbone atmosphérique (et autres gaz à effet de serre), ainsi que des conditions pédologiques altérées.

Quand nous, êtres humains, prenons le temps de débattre et repenser nos modes de vie, la nature, semble souffrir. Les forêts et les plantes, luttent pour gérer ce stress climatique. Elles en sont affectées dans leur croissance et leur développement.

« Il n’y a plus de saison » : et ce même en forêt

La vie des plantes est rythmée par des phénomènes périodiques appelés : la phénologie. Ces phénomènes réapparaissent chaque année à des périodes ciblés. Aujourd’hui, l’ampleur et la vitesse des changements climatiques impactent très sérieusement l’ensemble des phénomènes et leur périodicité. Par exemple, en France, la date des vendanges semble s’être avancée de près de 18 jours depuis les années 1960.

Pourquoi les vendanges avancent-elles ?

Les observations empiriques et les études scientifiques ont permis de connaître les besoins des plantes et leurs réactions à des modifications de leur environnement. Aujourd’hui, nous connaissons le rôle du dioxyde carbone atmosphérique sur la croissance des plantes. Une augmentation de CO2 atmosphérique favorise l’accroissement de la surface foliaire, stimule la ramification, augmente chez certaines plantes une photosynthèse plus conséquente.

Toutefois, ces éléments abiotiques ne peuvent pas être considérés de façon isolée. Ils interagissent, de la même manière que les plantes interagissent avec la biocénose[2].

Schéma de la croissance en fonction de la température

La température, un rôle capital dans le développement des plantes

La température, elle aussi, est un élément essentiel dans le développement des plantes. Elle intervient dans les réactions biochimiques des cellules et l’activité des enzymes. En France, en général, l’état le plus favorable de croissance d’une plante, se trouve entre 20 et 25 degrés : c’est ce qu’on appelle l’optimum.

Quand l’augmentation de la température devient défavorable pour la plante : c’est un stress thermique. Ce stress va dépendre de l’intensité, de la durée et de la vitesse de cette augmentation, de l’espèce végétale et de son stade de développement. Par exemple, en France, les plantes ne pousseront pas en dessous de 10 degrés et au-delà de 30 degrés.

À noter que, l’augmentation du CO2 atmosphérique pendant des périodes de sécheresse ou de fortes températures n’a plus d’effet sur la croissance des plantes.

Or, le passage d’une phase de dormance à une phase active de croissance des plantes est partiellement influencé par les variations de température. Cependant, avec les changements climatiques significatifs, la phénologie des plantes est perturbée, entraînant des changements dans la temporalité de leurs cycles de vie. Avec, par exemple, un réveil plus précoce des plantes, ce pourquoi les vendanges commencent plus tôt. 

 

Comment réagissent les plantes face à tout ce stress ?

Les températures et les quantités d’eau anormales induisent un stress chez la plante. Face à ce stress, la plante met en place différents mécanismes pour s’accommoder à cette situation défavorable.

Lors d’une canicule, les arbres réduisent leurs échanges gazeux entre les feuilles et l’atmosphère pour éviter une perte excessive d’eau, en fermant leurs stomates, les petits pores sur leurs feuilles. Si la canicule persiste, cette réduction peut devenir si extrême que l’arbre commence à perdre ses feuilles. C’est une mesure de survie pour minimiser la perte d’eau. Cependant, cette chute des feuilles se produit souvent pendant la phase de croissance de l’arbre. Un problème, car les feuilles sont essentielles à la photosynthèse. En perdant ses feuilles durant cette période cruciale, la croissance de l’arbre est interrompue, ce qui peut l’affaiblir et affecter son développement futur.

D’autres phénomènes, plus étonnants, sont observés. La sécheresse estivale et le stress hydrique peuvent générer une seconde feuillaison de la fin de l’été au début de l’hiver. En 2022, la sécheresse a gravement affecté les arbres dans certaines régions. En septembre, les arbres ont perdu leurs feuilles roussies par la chaleur d’août. Cependant, avec des conditions plus favorables durant l’automne, on a observé une seconde feuillaison chez différentes espèces d’arbres, atteignant parfois 75 % du volume de leur feuillage de printemps. Cette croissance supplémentaire entraîne une consommation d’énergie accrue pour la plante, réduisant la période de repos végétatif et impactant le développement futur des plantes.

Tous ces phénomènes seraient-ils les prémisses d’une adaptation ou d’une réaction de survie ?

Avec une période de végétation plus longue, les plantes accumulent moins de ressources et d’énergie nécessaires à leur développement. En particulier au développement de l’appareil reproducteur. Un hiver rude donnera des fleurs qualitatives, tandis qu’un printemps trop précoce et un hiver trop doux ne déclencheront pas la vernalisation, c’est-à-dire l’aptitude à fleurir grâce à une période de froid.

 

Décalage

Les floraisons se décalent et la vie animale sauvage est bousculée

Les espèces animales sont, elles aussi, affectées par ces bouleversements climatiques. Leur cycle de dormance, de reproduction et de migration, peuvent être altérés. Ces périodes de décalage ne sont pas les mêmes que chez les plantes. Il y a une désynchronisation entre les différents organismes vivants :  que l’on appelle le décalage phénologique. Cette année 2024, la floraison de beaucoup d’arbres, comme le robinier faux-acacia, ont fleuri de manière précoce. Les insectes pollinisateurs encore endormis durant la floraison sont perdus. Car à leur réveil, la plupart des floraisons sont terminées, comment vont-ils récolter le nectar ? La pollinisation, est retardée et moindre.

 

C’est à la fois la survie des plantes et des animaux qui est menacée.

Les plantes réagissent ponctuellement à des modifications de leur environnement, parce qu’elles sont capables de s’adapter à des conditions contraignantes. Toutefois, la problématique émane de la rapidité et l’intensité, à devoir s’adapter. Ces facteurs permettront-ils aux plantes et aux écosystèmes de faire front dans un premier temps et de s’adapter ensuite ? De nouveaux comportements sont observés. Il est probablement trop tôt pour dire s’il s’agit d’une accommodation ou le début d’une adaptation.

Certaines espèces, davantage opportunistes, moins exigeantes, pourront peut-être s’adapter. D’autres migreront vers de nouveaux territoires. Localement, des espèces disparaîtront à jamais, et d’autres les remplaceront. À nous de maintenir cet équilibre.

Nous encourageons chacun à se joindre à nous et à soutenir la forêt française en parrainant un arbre. Ensemble, nous pouvons faire la différence et œuvrer pour un avenir où l’humain et la forêt coexistent en harmonie

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[1] Abiotiques : Toutes les conditions qui ne sont pas vivantes, par exemple un rocher est une entité abiotique.
[2] Biocénose : Ensemble des êtres vivants d’un biotope, d’un milieu donné.

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