Partie 1 : Restauration et préservation des forêts
Campagne 2020-2021
Le suivi de la campagne de plantation 2020-2021, effectué sur 25 sites de plantations, a mis en avant un taux de survie moyen de 81,5 %. En extrapolant aux 141 430 arbres plantés sur les 30 sites de cette campagne, ce sont plus de 115 000 qui perdurent. Nous sommes fiers de ces excellents résultats qui confortent la qualité de préparation des campagnes, le choix des essences ainsi que de la réalisation des plantations en elles-mêmes.
Campagne de plantation 2021-2022
Sur notre plate-forme d’expérimentation et de production d’Ibity, la construction de 14 plates-bandes vient renforcer la capacité de production de la pépinière Cœur de Forêt d’environ 30 000 plants supplémentaires et ainsi en améliorer la gestion globale entre les pôles reforestation et agroécologie. La capacité totale de notre pépinière est ainsi portée à 200 000 plants.
En parallèle, une pépinière a été installée dans le district de Mandoto pour réaliser le reboisement lors des campagnes 2021-2022 et 2022-2023 d’un total de 170 000 arbres sur une seule parcelle d’une centaine d’hectares. Les espèces reboisées comprennent 40 % d’espèces d’arbre endémiques ou indigènes, environ 50 % d’espèces à croissance rapide et enfin environ 10 % d’arbres fruitiers. 18,9 ha de zones pare-feu ont été mis en place afin de limiter les risques de propagation d’incendies.
Cette année, la campagne de plantation de 2021-2022 s’est clôturée en mars 2022, atteignant un total de 311 803 jeunes arbres plantés grâce à la mise en œuvre des 15 plants d’aménagements définis en amont. Parmi les 11 espèces plantées, 39 % sont endémiques, soit près de 15% d’augmentation par rapport à la campagne 2020-2021 (24,34 %). Nous souhaitions pourtant atteindre un taux de 60% d’essences endémiques mais malheureusement, l’approvisionnement en semences pour certaines espèces endémiques s’avère assez difficile et certaines d’entre elles ont un taux de germination très faible. Nous aurions pu augmenter la part de quelques autres espèces endémiques mais au risque de générer de la monoculture ou faible diversité de plantes endémiques. Nous avons plutôt préféré privilégier la biodiversité des plantations endémiques, indigènes ou exotiques. En renforçant la recherche de différentes semences endémiques et la germination de certaines essences hors du site d’Ibity, nous avons bon espoir d’atteindre nos objectifs en espèces endémiques pour la saison de plantation prochaine.
Suivi d’impact
Au-delà de la mesure du taux de survie des arbres plantés, nous souhaitons avoir une vision à plus long terme des bénéfices environnementaux, sociaux et économiques qu’apportent ces plantations. Ce suivi plus poussé permettra également d’améliorer nos pratiques et d’avoir le meilleur impact possible.
Pour cela, nous avons défini une méthodologie de mesure d’impacts avec une vingtaine d’indicateurs permettant d’évaluer l’impact des plantations sur la biodiversité, sur la qualité des sols, sur la qualité de la ressource en eau, etc... Cette méthodologie est appliquée lors des campagnes de reboisement et sera réitérée 6 mois et 30 mois après les plantations, ainsi qu’ultérieurement selon un pas de temps à définir en fonction de la croissance des plants. Des parcelles témoins ont ainsi pu suivre cette méthodologie lors de la fin de campagne 2021-2022.
Diagnostic forestier
Le projet a franchi une étape importante avec la réalisation d’un diagnostic forestier de la région du Vakinankaratra sur le territoire des hautes-terres malgaches. Ce travail a nécessité 18 mois de recherches bibliographiques, d’enquêtes terrain, d’analyse de données, de restitution aux personnes interviewées et villageois concernés pour in fine aboutir à la formulation de recommandations de logique d’intervention et de programmes de reboisements.
4 typologies d’écosystèmes arborés et différents villages représentatifs de ces typologies ont été ciblés : le district de Mandoto à l’est d’Antsirabe comme zone d’intervention de Cœur de Forêt et abritant des “forêts galeries”, la zone Est du district d’Antsirabe II sélectionnée pour son lien à la filière-bois d’Antsirabe, la commune d’Ibity au sein de laquelle sont implantées les activités de pépinières et d’appui à la production d’huiles essentielles de Cœur de Forêt, et le district de Faratsiho, qui présente un couvert forestier.
Ce diagnostic a abouti à un rapport de 180 pages qui nous éclaire sur les typologies d’écosystèmes boisés et la présence de forêts naturelles ou reliquats de forêts, sur l’utilisation de ces écosystèmes et sur les différents facteurs de déforestation ou de boisement à l’œuvre localement.
Sans trop de surprise, il en ressort que les forêts et écosystèmes locaux sont primordiaux pour les ménages qui en dépendent, le bois de chauffe étant le combustible le plus utilisé en zone rurale. Mais l’étude permet d’identifier clairement un lien direct entre la rareté de la ressource en bois et la précarité des ménages. De plus, que ce soit en milieu urbain ou rural, les populations achètent du charbon de bois pour la cuisson de leurs aliments. L’étude met en avant que ce charbon peut provenir du Vakinankaratra mais aussi des territoires voisins, accentuant ainsi la déforestation dans d’autres régions de Madagascar.
Ce sont les pratiques des populations locales qui ont été sont les plus riches en enseignements. Dans la zone de Mandoto, peu couverte par des forêts, l’étude des droits coutumier liés aux arbres rapporte des informations intéressantes sur la solidarité dont font preuve les populations locales. Les fruits de l’arbre et le bois de l’arbre sont la propriété du propriétaire du terrain mais les branches mortes peuvent être récupérées par tout le monde, en particulier les villageois ayant peu de foncier. Des pratiques de collecte de bois comme la taille récurrente de branches, rappelant les arbres têtards en France, ont été observées. D’autres pratiques agroécologiques de la part de certains paysans ont été remarquées pour produire du bois de chauffe. Elles intègrent des arbres fruitiers et d’essences exotiques en association avec des cultures vivrières ou près des villages, ce qui évite les facteurs de mortalité des jeunes plants : piétinement par les zébus, feux de brousse, sècheresse. Même si les paysans sont motivés pour planter des arbres, plusieurs contraintes viennent ralentir ce processus : d’une part, il est compliqué d’obtenir des plantules et d’accéder au foncier, et d’autre part, une main d’œuvre doit être engagée pour boiser les collines enherbées mais constitue des dépenses élevées. Ce sont sur ces facteurs que nous allons intervenir afin de valoriser les versants des collines peu fertiles pour l’agriculture, y mener des actions de boisement et développer des pépinières locales.
Dans ce même district de Mandoto, l’étude met en lumière l’existence, dans les bas-fonds, de quelques centaines d’hectares écosystèmes boisés existants ! Ces forêts subhumides sont d’anciens vestiges de forêts composées principalement d’essences indigènes et endémiques qui se développent le long des cours d’eau. Malheureusement elles sont déjà fortement dégradées par la coupe des grands arbres et la pression des ménages pour convertir ses bas-fonds en rizières. L’enjeu de notre action sera d’inventorier ces forêts galeries pour mieux les connaitre, ainsi que leur capacité de production de semences et identifier des moyens de préservation de ces rares forêts endémiques !
Au centre de la région, les peuplements exotiques sont majoritaires avec une très rare présence d’arbres indigènes dans quelques cas particuliers. Par exemple, on retrouve des bosquets de tapia, un arbre endémique de Madagascar aux fruits comestibles, pouvant être utilisé pour produire de la soie sauvage. De nombreux plants de pins, mimosas et eucalyptus sont également concentrés dans la région. Ces peuplements sont entretenus pour alimenter la filière-bois régionale et nationale, mais également exploités de manière paysanne par les ménages locaux. Ces essences invasives poussent facilement sur le terroir. Malgré tout, ce couvert boisé reste instable et à tendance à diminuer à cause de coupes rases.
La zone Est du district d’Antsirabe est un bel exemple de conversion de forêts indigènes en pinèdes depuis les années 80, entrainant une perte de biodiversité. Mais il se pourrait que les plantations de pins, avec leur cycle rapide de croissance, contribuent aujourd’hui à éviter l’exploitation pour le bois des forêts restantes plus à l’est. Il pourrait ainsi y avoir une action à mener pour diversifier les peuplements et intégrer des pratiques sylvicoles plus douces.
Enfin, les apprentissages issus de ce diagnostic forestier ont également vocation à être transmis à plus largement à d’autres acteurs concernés par les enjeux forestiers de la région. Le partage des connaissances au service de l’intérêt général permettra ainsi d’augmenter l’impact de nos recherches.
Appui institutionnel DREDD
L’appui de Cœur de Forêt auprès de la Direction Régionale de l’Environnement et du Développement Durable (DREDD) du Vakinankaratra évolue.
Notre partenariat avec cette institution gouvernementale se poursuit par le renforcement de ses capacités de productions de manière plus durable. La mise en place de 56 plates-bandes permanentes construites pas Cœur de Forêt viennent ainsi remplacer les plates-bandes temporaires que la DREDD renouvelait chaque année jusqu’ici. Chaque plate-bande accueille entre 1500 et 3000 plants, soit une capacité de 84 000 à 168 000 jeunes plants qui assureront essentiellement les besoins en reboisement des producteurs individuels locaux.
La réalisation conjointe de visites de suivi après les reboisements permettra de former les agents de la DREED à ces techniques et la montée en compétences de l’institution.
Enfin, nous appuierons le développement d’une base de données régionale permettant compiler les actions de reboisement dans la région, première pierre pour le pilotage d’une stratégie de gestion des espaces boisés cohérente.
En contrepartie de ces investissements, la DREDD s’engage à ensemencer au moins 30% d’essences endémiques à chaque campagne de reboisement sur chaque plate-bande financée par Cœur de Forêt.
Agir sur la ressource bois : plantation modèle « forêt de production »
Afin de fournir du bois pour alimenter les filières de distillation que nous appuyons, Cœur de Forêt a décidé de créer une “forêt de production” en bois de chauffe. Un terrain de 2,31 ha a été identifié et accueille 6 930 arbres. Malheureusement, le taux de réussite de ces plantations risque d’être assez faible, car la saison des pluies ayant été retardée les plants n’ont pas reçu de précipitations suffisantes.
En plus de cette « forêt de production », le diagnostic forestier nous a montré la nécessité d’appuyer les producteurs de bois de chauffe et agir ainsi sur la filière bois-énergie, essentielles à la survie des habitants mais également forte source de déforestation dans la région. Nous réfléchissons donc au développement d’activités en ce sens.
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