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Photo du rédacteurAlice Gontier

Cash investigation dénonce l’illusion de la compensation carbone grâce à la plantation d’arbres

Dernière mise à jour : 26 juin

Hier soir se tenait l’émission qui fait trembler (ou pas) toutes les entreprises adeptes de greenwashing, d’exploitation humaine et d’arnaques financières en tous genres. Cette fois-ci, l’émission culte et sa présentatrice emblématique s’attaquaient à Total, BNP Parisbas, ainsi que Nespresso, Pur Projet et le certificateur VERRA.


Pourquoi cibler ces entreprises ? Les deux premières ont un impact dramatique sur le changement climatique, alors même qu’elles se targuent d’être des leaders du développement durable. Les trois dernières, quant à elles, participent activement à masquer la responsabilité de grands groupes dans le dérèglement climatique à travers les crédits carbones et la plantation d’arbres.

La compensation carbone leur permettrait d’annuler les effets de leurs émissions de CO₂, les autorisant ainsi à poursuivre le “business as usual” et les émissions qui les accompagnent.

Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, soutenir des projets de préservation des forêts et de reforestation est crucial dans la lutte contre le changement climatique ainsi que dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité. Il est urgent d’ouvrir les yeux sur les dérives des mécanismes certification carbone liées à des projets de plantation d’arbres, même pour les certifications les plus “sécurisées” comme le label VERRA-VCS.


Comme le souligne très justement Alain Karsenty, chercheur au CIRAD, pendant l’émission “Personne n’a intérêt à vérifier l’intégrité du crédit carbone […] Les risques sont toujours sous-estimés, sinon ils ne seraient pas rentables”.

En effet, malgré de la bonne volonté et la meilleure expertise terrain possible, le “risque zéro” n’existe pas. Les marges de sécurité prises sur la quantité de carbones délivrés ne suffisent pas. “Vendre la forêt” sous le prisme du carbone constitue une idée simpliste et illusoire. Cela masque les réels enjeux de la préservation des forêts. Cela retarde l’action alors que l’urgence est déjà à son comble.


Explorez avec nous les dessous de l’arbre à prix cassé, du treewashing et des approches alternatives qui existent. La philanthropie et le soutien à des projets holistiques en sont un excellent exemple. On en dit davantage dans cet article !


Les forêts constituent la plus grande réserve de biodiversité terrestre de la planète. Bois, alimentation, air pur... depuis des millénaires, les forêts nous fournissent d’innombrables services nécessaires à notre survie. Pourtant, chaque année, 10 millions d’hectares de forêts disparaissent sous la main de l’Homme. Heureusement, ces dernières années, la question des forêts est devenue l’une des préoccupations phares pour “protéger” notre environnement. C’est un fait et nous pouvons saluer cette prise de conscience.

Le revers de la médaille ? Les annonces de plantation d’arbres par milliards ! En quelques années, préserver les forêts s'est étrangement résumé à la simple plantation d’arbres, quand on ne résume pas les forêts à leur seule capacité à stocker du carbone. Alors, pourquoi planter des arbres pour préserver les forêts ou pour compenser nos émissions de CO₂ est-il trop simpliste, voire mensonger ?


L’uberisation de la plantation d’arbres : marchandisation à bas coûts et à grands profits


Que cela soit pour préserver, pour restaurer les forêts ou pour compenser un impact environnemental, la plantation d’arbre est omniprésente dans la communication des entreprises et des gouvernements. Les messages marketing “1 produit acheté, 1 arbre planté”, “100 % compensé”, “neutre en carbone” et toutes leurs variations imaginatives ont fleuri en magasin. Et pour cause, l’engagement de planter un arbre parait tellement positif et concret dans l’imaginaire collectif. Qui ne souhaiterait pas limiter son impact sur l’environnement en continuant d'acheter son expresso favori ou son AR pour New-York ?


L'indicateur du plus grand nombre d’arbres plantés est ainsi au cœur des engagements environnementaux de nombreuses entreprises et une « machine à verdir » simple à mettre en œuvre pour les secteurs les plus polluants. La demande en « arbres à planter » explose et la concurrence est rude entre les acteurs qui « vendent » ces arbres. Dans le lot, on trouve de simples intermédiaires, comme de vrais opérateurs de projets de restauration forestière, des associations, mais également des entreprises.


Le souci ? Le critère de choix de l’entreprise se concentre généralement sur le prix de l’arbre ou de la tonne carbone. On trouve ainsi un prix de « l’arbre planté » à 1 €, voire quelques centimes chez certains acteurs. Alors, à ce prix-là, peut-on réellement planter des arbres qui ont un impact positif sur l’environnement et l’humain ? L’unique plantation d’arbre est-elle suffisante pour préserver les écosystèmes forestiers ou à réduire notre impact sur le climat ? Ne serait-ce pas un coup de baguette magique sans engagement réel pour l’entreprise ?


Planter (uniquement) des arbres ne permet pas de préserver les forêts


Les forêts sont des écosystèmes complexes, habitat d’une diversité animale, végétale et d’une myriade de microorganismes. Cette richesse, nous ne pouvons pas la reproduire seulement par la juxtaposition d’arbres. Une plantation de jeunes arbres n’équivaudra jamais à la richesse perdue d’une forêt ancienne, même dans 200 ans.


Pour préserver une forêt, il faut agir sur les causes de sa dégradation, sur les causes de la déforestation. 40 % de la déforestation mondiale est due à l’agriculture commerciale, tandis que 33 autres pourcents sont dus à la déforestation de subsistance, c’est à ces enjeux qu’il faut donc répondre. Les actions de lutte contre la déforestation peuvent ainsi inclure de former les producteurs à l’agroforesterie et à l’agroécologie, de sensibiliser les enfants dans les écoles ou développer des filières de commerce équitable. C’est ce que l'on appelle une vision holistique, qui prend en compte le contexte du projet. Celle-ci ne peut être envisagée qu’à long terme, en accord avec le temps long des forêts et du changement des mentalités.


Alors, quelle pérennité des projets de plantation ? Aujourd’hui, seulement 5 % des organisations (entreprises et associations) qui vendent des projets de “plantation d’arbres” mentionnent le taux de mortalité des arbres plantés dans leurs rapports (1). Et, avec des arbres vendus à prix discount, certaines plantations ne sont même pas suivies ou entretenues dans le temps.


Planter des arbres ne permet pas (du tout) de compenser ses émissions de CO₂


Si la plantation d’arbres à elle seule permet difficilement de préserver les forêts, ne peut-elle pas au moins absorber les émissions de carbone que nous émettons et, ainsi, répondre à la crise climatique ? En 1998, les accords de Kyoto, donnent naissance à la “compensation carbone”. La promesse est simple : mettre en place un marché du carbone pour réguler les émissions de gaz à effet de serre.


L’objectif ? Enrayer le réchauffement climatique. Malgré les nombreux programmes de compensation carbone, le résultat n’est pas au rendez-vous, les émissions de gaz à effet de serre n’ont jamais été aussi élevées qu’en 2022. Une enquête de The Guardian, révélée la semaine dernière, dévoile même que 90 % des crédits carbone de protection de forêt certifiés par le label de compensation du monde censé être le plus exigent, Verra, n'ont en réalité pas d'impact positif sur le climat (2). Alors pourquoi ce système de compensation ne fonctionne-t-il pas ?


À cause du prix : 5,40 € en moyenne en France pour acheter un crédit carbone (3), c’est à la fois trop peu pour inciter les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effets de serre et complètement insuffisant pour financer des projets holistiques de qualité (expertise pour traiter les causes de la déforestation, réelle implication des communautés locales, suivi et mesure d’impact des projets sur le long terme).


La séquestration du carbone dans les puits que sont les arbres n’est pas forcément permanente. Un incendie, une coupe rase, ou des maladies peuvent entraîner le relargage du carbone stocké dans le bois des arbres et le sol forestier, vers l’atmosphère. Dans les pays en voie de développement, ou instables politiquement, les projections à 20 ans en matière de préservation du couvert forestier sont bien difficiles à garantir. Malgré la meilleure volonté et expertise terrain possible, le “risque zéro” n’existe pas. En cas d’échec, les compteurs de tonnes absorbées sont remis à zéro pour le porteur de projet et pour l’entreprise qui a acheté les crédits. Mais les tonnes émises initialement par cette dernière ont bien été émises. Le résultat n’est donc pas neutre.

Nous n’aurions jamais assez de surface à planter sur Terre pour compenser nos émissions carbones issues de la combustion d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon).


Enfin, un arbre stocke du carbone en grandissant et il lui faut plusieurs dizaines d’années pour stocker 1 tonne. Ce temps est un luxe que nous n’avons pas face à l’urgence du changement climatique et de ses conséquences déjà à l’œuvre.

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Pourquoi planter des arbres ?


Le reboisement est crucial à l’échelle mondiale ! La restauration de forêts permet de restaurer les sols, de préserver la ressource en eau potable, mais aussi de ramener la biodiversité animale et végétale. Et pour certaines espèces menacées, la reproduction en pépinière et la plantation à grande échelle est parfois l’unique solution pour les sauver. Côté social, ces nouvelles surfaces boisées offriront aussi du bois et de nombreux produits alimentaires ou médicinaux aux populations humaines, limitant la pression exercée sur les forêts anciennes pour ces approvisionnements. La plantation, c’est aussi l’une des clés, après la régénération naturelle, pour le renouvellement de nos forêts existantes.


Comment choisir de bons projets de restauration des forêts ?


Restaurer durablement une forêt, au sein d’un projet de qualité, nécessite une forte diversité d’actions autour de la forêt et avec l’humain. Mener des projets qui ont un vrai impact positif, c’est aussi faire du suivi, mesurer ses résultats, et ainsi pouvoir s’améliorer.

Comment faire pour choisir le bon projet ?


Fuyez les prix trop bas : à moins de 1€ par arbre planté, le suivi des plantations sur le projet n’est pas assuré. Si les forêts d’une région sont menacées et que la menace n’est pas traitée, les jeunes plantations que vous aurez financées avec votre don, n’auront pas la chance de survivre bien longtemps.


Exigez la transparence : fouillez les rapports d’activités et comparez les bilans financiers des structures avec les chiffres d’arbres plantés annoncés. Si les infos vous semblent incomplètes, contactez-les. Vérifiez comment est réparti votre don / votre achat et ainsi, évitez les intermédiaires trop gourmands qui s’enrichissent sur le dos des planteurs.


Préférez des projets holistiques : mettons la priorité à la préservation des forêts existantes et la lutte contre leur dégradation. Certaines associations portent cette vision. Vous pourrez, avec elles, parrainer des arbres et soutenir des projets avec un réel impact.


Nous vous invitons à découvrir les projets que nous menons en Bolivie, à Madagascar, en Indonésie et en France pour préserver les forêts pour et avec les communautés locales. Nous vous invitons à découvrir qui nous sommes, notre vision des projets de reforestation ainsi que notre gouvernance.



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Sources :

(3) Plateforme Info Compensation Carbone

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